Qui se souvient ?
Une femme hors normes, une existence hors du commun. Ainsi fut la vie de Michèle Banzet-Lawton dont le grand public connaît le visage et la voix pour cet immortel et drôlissime duo qu’elle composa avec Maïté dans une émission culte de France 3 (1983 1999) La Cuisine des Mousquetaires. Cette Bordelaise érudite s’est éteinte le week-end dernier dans sa ville d’adoption à l’âge de 97 ans.
Hôtesse remarquable qui n’ignorait rien de la grande cuisine française et à qui l’éducation et la culture n’ont pas manqué, Micheline, jeune parisienne bien née, avait montré tôt un don pour le violon, rêvant de concerts. Dans le brouhaha de la guerre, le destin prit la forme d’un amour, un jeune Bordelais nommé Cruze parti rejoindre en Espagne les troupes de la France Libre et dont elle aura trois enfants. Veuve très jeune, celle qui accueillit à Bordeaux Chaban puis plus tard Juppé décida alors que son avenir tiendrait en deux mots : journaliste mélomane.
C’est ainsi qu’elle co-fonda France Musique dont elle produisit pendant 35 ans des émissions aujourd’hui gravées dans la mémoire radiophonique. Son rendez-vous dans les années 50 et 60 s’intitulait « Trois jours avec » : elle y recevait les plus grands de Karajan à la Callas dont elle réalisa la dernière interview avant de lui consacrer en 2007 un livre d’entretiens. Personnalité bordelaise et parisienne, pétillante et sachant gouverner sans hésitation son monde, Micheline Banzet-Lawton avait en second mariage épousé un autre Bordelais et résistant Hugues Lawton, dont elle eut un fils Pierre Lawton toujours à la tête de cette historique maison de négoce.
Micheline Banzet-Lawton avait su faire profiter Bordeaux et Biarritz de l’incroyable réseau de concertistes classiques qu’elle côtoyait, tutoyait et écoutait à l’infini. Elle avait participé à la fondation du mai Musical de Bordeaux qui réveilla la Belle endormie comme à la création du festival Musiques en côte de basque. « Cette féministe qui ignorait le mot de féministe » rapporte un proche avait proposé à France 3 cette idée d’un tandem de femmes pour évoquer la cuisine gasconne, « une sorte de duo à la Laurel et Hardy. »
C’est à Rion, dans les Landes, que son comparse et ami Alain Pujol avait déniché la Rabelaisienne Maïté. On sait la suite : Micheline et Maïté, parfaits contraires dans le rôle du faire-valoir et du surjoué, du chant et contre-chant ont trucidé ensemble pléthore de canards à l’écran pendant 15 ans. Micheline s’est éteinte, elle qui mettait autant d’humanité à accompagner Maïté qu’à interviewer la Callas.