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A Paris, Jean-François Piège vient de reprendre La Poule au Pot, de sortir le livre «Zéro gras», sur sa vision de la cuisine minceur, et de terminer le tournage de la dixième saison de «Top Chef». Rencontre
Nous le retrouvons dans son bureau rue d’Aguesseau, situé au-dessus de son Grand Restaurant qui porte bien son nom: un écrin gastronomique doublement étoilé au Guide Michelin, situé en plein cœur du VIIIe arrondissement, à quelques pas du palais de l’Elysée. Après avoir brièvement reçu un producteur de plantes jurassien, fait le point avec son bras droit et discuté des derniers réglages avant le service de midi avec son responsable de salle, le chef enchaîne son dernier rendez-vous de la matinée.
«Vous m’excuserez pour le désordre», s’acquitte celui qui fait partie intégrante du paysage culinaire hexagonal depuis maintenant deux décennies en ordonnant les feuilles qui ébauchent sa prochaine carte des mets. «Pour me comprendre, il faudrait savoir qui je suis», commence le chef en citant une chanson de Véronique Sanson. Direction le jardin ouvrier de son grand-père à Bourg-lès-Valence. «Dès mon plus jeune âge, j’ai toujours voulu être jardinier. Toute ma vie de cuisinier part de là.»
Cette terre qui représente le patrimoine gastronomique de ce prodige des fourneaux va ainsi façonner sa fulgurante carrière. Laquelle démarre par l’envoi d’une vingtaine de lettres de motivation, dont une adressée à Jaques Pic (le père d’Anne-Sophie) qui renonce à l’engager. «J’aurais adoré travailler dans cette maison», avoue Jean-François Piège, qui quitte alors sa Drôme natale pour les sommets enneigés de Courchevel avant de fouler le sable doré de Saint-Tropez, où il rencontre Bruno Cirino, son mentor. Adepte de la grandeur du produit, doublement étoilé dans son Hôtellerie Jérôme juchée sur les hauteurs de Monaco, c’est lui qui va tracer la vie professionnelle du futur juré de Top Chef. «J’en retiens son incroyable sensibilité des ingrédients, accompagnée d’une spontanéité et d’une instantanéité phénoménales», souligne le Valentinois, qui rejoint ensuite la brigade de Christian Constant. Le grand patron des fourneaux de l’Hôtel de Crillon va montrer au jeune apprenti la voie de l’organisation et de la rigueur, tandis qu’Alain Ducasse se charge de lui enseigner l’excellence.
En 2015, Jean-François Piège ouvre Le Grand Restaurant. Et comprend qu’il ne peut pas faire une cuisine de terroir dans une capitale comme Paris. Que faire? Simple. Le chef replonge au plus profond de ses souvenirs et en ressort le mot «mijoté». Il dévore des dizaines de livres anciens spécialisés à la recherche de ce qui sera la pierre triangulaire de sa nouvelle cuisine: le «mijoté moderne», sorte de commandement unilatéral permettant au chef de cuisiner librement en rendant le temps au temps. Et de faire en sorte de vous rendre incapable d’oublier les langoustines cuites sur un pavé parisien brûlant ou la poularde de Bresse préparée dans du riz et accompagnée d’une soupe de chou et truffes noires.
Rêve d’une vie
Alors que la saison hivernale se prête gaiement à la dégustation d’une blanquette de veau, Jean-François Piège prévient qu’il vient de la retirer de la carte de La Poule au Pot. S’ensuit une tirade du chef sur la matière première et la justification des prix pratiqués dans son nouveau bijou. «Le kilo de cuisses de grenouilles à Rungis s’élève à 14 euros. Celles que je sers proviennent d’un petit producteur de la Drôme et me coûtent 56 euros le kilo. Elles ne sont pas «bodybuildées» et ne contiennent aucun antibiotique. J’assume mes tarifs, car je ne peux pas faire autrement», explique celui pour qui La Poule au Pot concrétise le rêve de toute une vie. Cette institution représente à elle seule l’idée que l’on se fait de la cuisine bourgeoise hexagonale. «Mais bourgeois ne veut pas dire snob, c’est une tradition française autour du partage qui fait depuis toujours la fierté de notre patrimoine», explique le cuisinier, fier d’être un entrepreneur 100% indépendant dans une ville dominée par la haute gastronomie d’hôtel.
A l’approche d’une troisième étoile, le Valentinois ne s’est d’ailleurs jamais senti autant en phase avec sa cuisine. «Je ne cherche pas les distinctions. Plein d’autres choses ont satisfait mon ego. Aujourd’hui, tout ce que je fais dans la vie, je le fais par conviction et non pas par obligation.» Alors que souhaiter de plus à Jean-François Piège? Il répondra avec humour en esquissant un large sourire: «Que je rembourse mes crédits…»