Il germe en Anjou depuis dix ans grâce à un Américain et une Bretonne. Jason Abbott et sa femme Maud découvrent le quinoa lors d’un voyage au Pérou en 2006. Leur petite fille manifeste une intolérance au gluten. Désormais installé à Longué-Jumelles (Maine-et-Loire), le couple se penche sérieusement sur des alternatives : au revoir les pâtes, bye bye le riz.
Ils repensent alors à leurs repas sur les hauts plateaux andins d’Amérique du Sud : mais évidemment, c’est le quinoa, riche en fibres et en protéines ! Encore méconnue en France, la « graine des Incas » ne se trouve que dans quelques magasins bio. Leur vient alors une idée folle : produire du quinoa de France.
Tout s’enchaîne : ils montent leur société, « Abbottagra », expérimentent plusieurs variétés. Échecs, réussites, canicule, invasion d’insectes, pluies diluviennes… ils ont vraiment tout vécu. Mais, dix ans après, ils sont rodés ! Et aujourd’hui, la production s’est implantée durablement : au total, trois cents agriculteurs ligériens récoltent 2 500 tonnes de quinoa chaque année.
Fort de son expérience, Jason décide maintenant de se lancer dans la production de quinoa rouge. Après plusieurs expérimentations concluantes, il soumet le projet à la Coopérative agricole des Pays de la Loire (CAPL). Ils travaillent ensemble depuis 2008. « Nous, on assure la production, la récolte, le tri, le nettoyage, le conditionnement et la commercialisation, mais c’est lui qui a les idées», explique Arthur Nicolas, le responsable des filières végétales de la coopérative.
Ni une, ni deux : les voilà partis pour planter 350 hectares de quinoa rouge cette année. « C’est vraiment innovant. Il n’y a pas de quinoa rouge en France »,indique Jason. Si ses propriétés gustatives et énergétiques sont semblables au quinoa blanc, le rouge est davantage apprécié pour son allure.
Les chefs mélangent les deux couleurs pour faire des salades ou des plats beaucoup plus sophistiqués. Comme Alain Ducasse dans son prestigieux restaurant, le Plaza Athénée, où l’on retrouve du quinoa d’Anjou avec de la truffe noire et des racines de champignons.
100 % local, pas de produits chimiques, pas d’herbicides… À l’heure du « manger français », les producteurs angevins veulent valoriser leur filière. Ils fournissent environ 30 % du quinoa consommé en France. Le reste est importé d’Amérique du Sud.
« On est dominé par l’importation : difficile de nous faire connaître ! » déplore Arthur Nicolas. « Pourtant, je suis certain que les consommateurs peuvent opter pour un produit français quand ils ont le choix », positive Jason Abbot. La croissance du marché est linéaire mais sa courbe reste timide. Reste à voir si le quinoa rouge d’ici sèmera autant de petites graines que le blanc..