Ritz, Crillon, Plaza Athénée, Four Seasons-George V, Bristol… Les hôtels de luxe rouvrent progressivement à Paris et ailleurs en France, après plus de quatre mois de fermeture imposée pour freiner la propagation du Covid-19. La saison estivale a été considérablement amputée et les taux d’occupation en France, particulièrement en Ile-de-France, ont été très en-deçà de la fréquentation habituelle. Malgré cela, les hôtels espèrent se relancer progressivement. Mais la situation sanitaire et les restrictions mises en place pour stopper la pandémie ne permettent toujours pas à l’ensemble des établissements de rouvrir, et l’incertitude laisse le secteur hôtelier considérablement sinistré.
Les hôtels de luxe, les plus touchés par la crise
Fermé pour la toute première fois depuis sa création en 1925, le Bristol a finalement rouvert ses portes, mardi 1er septembre. Protocole sanitaire réalisé par un cabinet agréé par le ministère du Travail, tapis de décontamination, masques fournis à l’arrivée, portails de désinfection pour les bagages, mise en place d’un sens de circulation, présence constante d’une infirmière au sein de l’hôtel… Aux grands maux, les grands remèdes pour cet hôtel 5 étoiles considéré comme l’un des plus grands et prestigieux palaces parisiens.
Le Bristol, au même titre que l’ensemble des établissements hôteliers de France, a subi de plein fouet la crise du coronavirus. En effet, comme le rapporte l’Insee, dans une étude publié lundi, la fréquentation des hôtels en France a baissé de 73 % en juin 2020 par rapport à juin 2019. Une chute d’autant plus importante pour les hôtels haut de gamme (4 et 5 étoiles) qui, eux, ont perdu 83 % de leur clientèle par rapport à l’année dernière.
« Ces hôtels haut de gamme sont très prisés par la clientèle internationale et les hommes d’affaires », explique Franck Trouet, directeur des affaires publiques au sein du Groupement national des indépendants hôteliers, cafetiers et restaurateurs (GNI-HCR). D’une part, précise-t-il à France 24, les clients habituels sont aux abonnés absents en raison des restrictions importantes mises en place et limitant la mobilité. « Les Américains, par exemple, ne viennent plus en France alors qu’ils représentent 6 millions de nuitées par an pour la seule ville de Paris ». Outre la mobilité, l’effondrement des réservations s’explique évidemment par le risque sanitaire. « Il y a une insécurité en France – qui plus est affichée par le gouvernement – qui fait que les entreprises privilégient les visioconférences et le télétravail », regrette-t-il, ajoutant que l’interdiction des rassemblements de plus de 5 000 personnes a conduit à l’annulation des salons, congrès et séminaires. « De très grandes entreprises ont même posé comme consigne à leurs salariés d’éviter tout déplacement à Paris, voire en France, en fixant des dates allant jusqu’à 2021. »
Ainsi, bien que certains établissements aient pris la décision de rouvrir leurs portes, les taux d’occupation restent faibles. Selon l’Insee, pour tous les types d’espaces, les taux tournaient autour de 35 % en juin (inférieurs de moitié à ceux de juin 2019), et un tiers des hôtels ouverts n’a pas atteint 20 % de taux d’occupation en juin 2020. « Aujourd’hui, on a un taux oscillant entre 15 et 25 % », précise Franck Trouet, dont le syndicat regroupe des professionnels indépendants du secteur de l’hôtellerie.
« Il ne sert à rien de se partager à plusieurs le peu de marché qui existe aujourd’hui »
Aussi, si plusieurs hôtels et palaces ont décidé de reprendre leur activité, de nombreux professionnels réfléchissent à la meilleure stratégie. « Nos hôteliers prévoyaient tous de rouvrir au mois de septembre, mais ils sont en train de retarder, voire de postdater les ouvertures parce qu’ils voient que le marché n’est pas au rendez-vous et qu’il ne sert à rien de se partager à encore plus d’acteurs le peu de marché qui existe aujourd’hui » développe le directeur des Affaires publiques du GNI-HCR, précisant qu’il s’agit de la tendance actuelle.
Du côté du Faubourg-Saint-Honoré, à Paris, le Bristol a vu les réservations reprendre dès l’annonce de la réouverture. « Nous sommes agréablement surpris », déclare Catherine Hodoul-Baudry, directrice commerciale et marketing du palace, interrogée par France 24. « Notre restaurant 3 étoiles ‘Épicure’ est déjà presque complet pour le mois de septembre », poursuit-elle.
Bien que les restaurants affichent sensiblement le même bilan que les hôtels en raison du confinement et des craintes des touristes concernant l’aspect sanitaire, « ils s’en sortent un peu mieux », admet Franck Trouet qui justifie cela par le fait que les restaurateurs et cafetiers peuvent, eux, profiter de la clientèle locale. C’est d’ailleurs sur cette clientèle que mise le Bristol. « Étant privés de notre clientèle américaine (qui représente 35 % de leur clientèle, NDLR) et partiellement européenne (30 %), nous mettons tout en œuvre pour attirer une clientèle française », explique la directrice commerciale du Bristol, évoquant la mise en place d’une offre commerciale ultra-flexible avec, notamment, la suppression des conditions d’annulation.
Reprise des réservations, restaurant quasi-complet… Dans un secteur paralysé, le Bristol semble, lui, privilégié. En effet, indique Franck Trouet, « pour les semaines à venir, on est entre 18 et 20 % de taux d’occupation : les réservations ne viennent pas, il n’y a pas d’arrière-saison et à Paris, c’est la catastrophe ».
« On attend qu’une seule chose : le vaccin »
Pour tenter de surmonter cette épreuve inédite, les professionnels du tourisme sont épaulés par les collectivités locales. Mais si Frank Trouet, au nom des hôteliers indépendants, note ce soutien, il affirme que le secteur souhaiterait qu’elles aient « plus de latitude » pour les aider.
« On a aussi besoin du soutien des régions qui pilotent le deuxième étage du Fonds de solidarité », abonde le responsable du groupement national des indépendants de l’hôtellerie et de la restauration, énumérant les préoccupations majeures auxquelles la plupart des établissements se trouvent confrontés. En tête : le paiement des loyers commerciaux. « L’activité n’est pas au rendez-vous, la suspension du remboursement des emprunts bancaires a été obtenu pour six mois seulement, et on a les plus grandes difficultés, malgré la prise de parole de la Fédération bancaire française, à obtenir les mois supplémentaires promis », déplore Franck Trouet. « On a des remboursements qui vont commencer à s’opérer alors qu’on n’a pas l’activité qui nous permet de payer nos loyers. Il faut, avec ce Fonds de solidarité, régler ce problème de loyers », insiste-t-il, alors que la fin de la période de protection des locataires est prévue pour le 10 septembre prochain.
Quand et comment le secteur pourra-t-il retrouver une activité rentable ? Franck Trouet l’affirme, « au bout du bout, on attend qu’une seule chose : le vaccin. C’est lui qui pourra donner le ‘go’ à une reprise réelle de notre activité ». Pour ce qui est des solutions à mettre en place en attendant le vaccin, le directeur des Affaires publiques du GNI-HCR a un plan bien défini en tête. « On trouve une solution à la charge la plus importante, qui est le loyer, et on adapte le dispositif au niveau du personnel ; on maintient le chômage partiel pour les salariés dont l’activité n’est pas justifiée par le taux d’occupation de l’établissement, sans reste à charge ; et enfin, on réduit le coût du travail par un crédit de cotisation ».
Mi-mai, l’ex-Premier ministre Édouard Philippe avait dévoilé un plan de relance « massif » de 18 milliards d’euros. Le Fonds de solidarité restera par ailleurs ouvert jusqu’à la fin de l’année 2020 pour les secteurs du tourisme et son accès a été élargi aux entreprises ayant jusqu’à 20 salariés et réalisant jusqu’à 20 millions d’euros de chiffre d’affaire.