A l’heure de la déconsommation et de la mévente générale des vins, les frères Guiberteau boostent le domaine de leur grand-père, Abel Lorton, en y cultivant des cépages oubliés de Charente-Maritime, avis aux découvreurs !
Balzac Noir, Counoise en rouge, Chauché en gris, Baroque et Crouchen en blanc avaient depuis longtemps quittés les feux de la rampe des vignobles de l’Aunis et de la Saintonge. Avec la Rochelle comme capitale régionale, la riche histoire du marais poitevin, les huîtres de Marennes, les moules de Bouchot, la pomme de terre de l’île de Ré, cette région au climat océanique et tempéré, est un creuset de belles traditions gastronomiques auxquelles on associe les vins régionaux, le Pineau, le Cognac, tous issus des cépages ugni blanc, colombard, sauvignon, chardonnay, viognier, cabernet sauvignon et franc, merlot.. tous bien connus des amateurs.
Mais il existait ici des cépages dit autochtones, des variétés historiques ayant connus leur heure de gloire au 17éme et 18éme siècles, tombées en désuétude au fil des ans au profit des grands standards internationaux plus productifs.
C’était sans compter la passion de Fabrice Guiberteau pour l’Histoire : consultant les archives viticoles de la BNF, les cahiers commerciaux du port de la Rochelle, les vieux cadastres et autres témoignages anciens, il étudie plusieurs milliers de documents et identifie le patrimoine ampélographique de sa région. Dès 2017, après des années de recherche avec l’aide d’un jeune pépiniériste passionné, les premières plantations sont faites : au total 3 ha sur les 15 du vignoble familial abritent cette collection patrimoniale. « C’est en connaissant son passé, ses racines, que l’on construit son avenir » : le credo de Fabrice Guiberteau prend forme. Accompagné par son frère Xavier qui veille sur les vignes, celui qui a démarré sa carrière comme ouvrier agricole et occupe depuis vingt ans le poste de directeur du fabuleux Château Kefraya au Liban, voit son rêve se réaliser.
Au vignoble agroforesterie, enherbement, ruchers et prairies mellifères forment un cocon de biodiversité, en cave, fermentations et extractions douces, élevage en barriques ou en amphores de terre cuite, tout est fait pour préserver l’expression de ces cépages rares et de leur lieu d’élection. Une cuvée rouge, trois en blanc, en IGP Atlantique, aux vinifications exigeantes, sont à découvrir via la plateforme https://domaine-abel-lorton.plugwine.com/vins
Dégustation :
Les Brandes 2023, 100% Baroque blanc, IGP Atlantique : Sans élevage bois pour laisser place à l’expression du duo cépage terroir (ici des argiles bleues sous des gravières et sables issus de l’érosion du massif central) sa délicatesse florale trace un palais net, très droit, à l’équilibre frais (12°), désaltérant.
Les Aubues 2023, 100% Crouchen, IGP Atlantique : Un premier nez tilleul, un palais net et fin souligné d’une touche brûlée, une légère amertume en finale mais aussi un fil salin : beaucoup de personnalité pour cette cuvée implantée sur un sol riche en calcaire lacustre.
Allégories Ataviques blanc 2022, IGP Atlantique : ici un tiers de baroque blanc, idem pour le crouchen puis ugni blanc d’une vénérable parcelle plantée en 1944, six mois d’élevage en amphore de terre cuite livrent un jus aux notes fines notes miellées, eau de fleur d’oranger, anis étoilé, une chair tendre et caressante au palais, une finale sur le zeste d’agrume.
Allégories Ataviques rouge 2022, IGP Atlantique : Balzac noir et counoise, puis cabernet sauvignon et franc offrent un vin tout en rondeur aux tanins évanescents, au fruité tendre, au palais suave souligné d’une note graphite. Epatant !
Par Sylvie Tonnaire