La garden party du 14 juillet, tradition de l’Elysée aujourd’hui disparue

      14 juillet – Aux portes du palais grandes ouvertes se pressent des dames chapeautées, des militaires en uniformes affichant des barrettes rutilantes de décorations, des préfets en grande tenue avec veston aux boutons dorés et casquette  brodée de feuilles de chêne et d’olivier, des hommes en costume, des sportifs décontractés, des dignitaires solennels,  des VIP, des inconnus intimidés, des happy few, des patrons de sociétés, des politiques, des artistes. De Cécile Carnot à Carla Bruni, les premières dames ont reçu sur les pelouses de leur palais sur une tradition anglaise. Le palais de l’Élysée reçoit et donne une en fête mondaine le jour de la fête nationale. Canapés et les petits fours par milliers posent en majesté sur des grands buffets dressés sous le soleil d’été, sur les pelouses présidentielles et républicaines. Les amuse-bouche  ne resteront pas longtemps sur table, aussitôt posés, aussitôt attrapés et avalés. Le champagne coule à flot, le déjeuner sur l’herbe rassemble et unit. L’Elysée vit son rendez-vous mondain politique. Les jardins, la pelouse, les massifs fleuris, les arbres bienveillants, le bassin et le jet d’eau reçoivent les Français. La garden party du 14 juillet dans les jardins de lÉlysée est the place to be, l’événement auquel il fait être invité. 

 

La première à instaurer ce rendez-vous de l’été fut Cécile Carnot, épouse du président Sadi Carnot. Elle veut recevoir comme à Londres, recevoir dans une ambiance désuète follement bucolique avec chic et élégance, ne veut pas d’un simple pique-nique, ni d’un dîner guindé. Ellefait installer un kiosque à musique en 1889,  fait venir des orchestres, pour animer le déjeuner sur l’herbe, digne héritage de la tradition des banquets républicains dressés sous les arbres pour célébrer la prise de la Bastille. Le 14 juillet 1914, le président Poincaré convie plus de 5.000 personnes (personnalités de la politique, de l’armée, des sciences, des arts et des jeunes filles de la Légion d’honneur). Sous la Ve République, la réception va évoluer, les puissants de la France vont côtoyer les Français de tous rangs, de toute origines, de toutes conditions.

 

1959-1968 – Les années Charles de Gaulle -1964, le général de Gaulle reprend la tradition de la « traditionnelle garden-party de l’Élysée ». il est le premier président à autoriser les caméras de l’ORTF à filmer quelques centaines de personnes invités, les corps de l’armée avec les chefs militaires ayant assisté ou participé au défilé, leurs familles, des membres du cœur du pouvoir, le corps diplomatique, d’anciens combattants, des ambassadeurs et des ministres du gouvernement. Jusqu’en 1969, le général va inviter l’armée et le pouvoir politique dans les jardins de l’Élysée. Les budgets sont sobres. Le Général reçoit les gradés en petit comité, un millier de personnes.

 

1969 – 1974 – Les années Pompidou – Après le départ du général, Georges Pompidou organise sa première garden party, la fête devient tradition. Le président n’est pas homme de guerre mais homme de culture, il étoffe la liste des invités, aux cotés des militaires, les invités croisent des parlementaires, des sénateurs, des hommes des corps de l’état et le monde de l’art car le président et son épouse sont férus et passionnés d’art moderne et contemporain. En 1973, il célèbre la première femme à être admise à l’école Polytechnique sortie major de sa promotion. Anne Chopinet sourit aux caméras une coupe de champagne à la main. Faste et dorures de la République. Le foie gras entre au palais.

 

1974-1981- Les années Giscard – Le président Giscard joue le grand seigneur recevant le peuple en son palais et donne un côté populaire à la fête, les institutions et grands serviteurs de l’Etat sont toujours là mais sur les pelouses  on croise aussi les vedettes du monde artistique, scientifique, sportif. Le Président dépoussière les institutions et installe une select garden party mondaine. Buffet grand luxe.

1974 – on joue de l’accordéon, on danse la bourré et la timide Anne-Aymone affiche un sourire radieux, visiblement heureuse de jouer la maitresse de maison devant les caméras. Elle accueille dans le palais baptisé « maison pour tous » des « citoyens comme les autres » invités à trinquer et boire un coup.  1977, plus de 1400 Français, 700 couples ordinaires remarquables par un exploit ou une belle action  sont reçus en plus des convives habituels, sans compter les 13.000 visiteurs de l’après-midi, venus découvrir l’Élysée en présence du président. Il ose ouvrir les portes des apppartement privés aux milliers de visiteurs qui se pressent et se bousculent pour entrevoir un aperçu du quotidien d’un président qui se veut proche de son peuple, serre les milliers de mains et  et conduit les visites sous les musiques militaires jouées par une fanfare. A la fin de la journée marathon, tout le monde est épuisé, les services de sécurité comme les jardiniers en colère car le gazon est fort abimé, les canards ont failli être piétiné, le fleurs ont fané. 1975, le président Giscard d’Estaing a convié du « beau linge » et des enfants « bronzés, très bronzés même » comme le souligne le journaliste Patrick Poivre d’Arvor.

 

 
 
 
 

1981- 1995 – Les années Mitterrand – François Mitterrand est élu président. 1981. La garden party élyséenne vit des heures de gloire, des milliers d’invités se pressent dans « la maison commune ». Des inconnus choisis  parce qu’ils sont nés un 14 juillet, des inconnues parce qu’elles s’appellent Marianne ou France côtoient sur les pelouses tout ce que la France baptise la gauche caviar, des gens de la scène artistique,  Barbara, Serge Gainsbourg, Michel Piccoli, les personnalités officielles., des people, comme Julio Iglesias, les Miss France, Roger Hanin, beau-frère du Président… 1985 sous le signe de la jeunesse, jeunes chefs d’entreprise, jeunes chercheurs côtoient le moins jeune Serge Gainsbourg qui trinque avec les soldats, Harlem Désir, Dalida, proche amie du Président.1990, Alain Delon, serre la main de Mitterrand. La garden party a instauré l’interview du président diffusé sur toutes chaines en direct.

 

 

 

1995-2007 – Les années Chirac – Chirac super star – Le président Chirac aime la foule et il convie plusieurs milliers de personnes. Il adore les bains de foule sur les  pelouses, il est heureux, signe des autographes, donne des tapes dans le dos, serre des mains dans une ambiance loin des garden party d’avant mais conforme au style de Chirac, décontracté, proche des gens, aimant faire la fête. 4.000 jeunes sont invités en 1995. Pour son premier 14 juillet à l’Elysée, Chirac fait le show.  Il salue les milliers d’invités, serre les mains, claque la bise, répond aux questions. Les médias parlent de la « bousculade la plus chic de l’année. »

14 juillet 1998, la plus belle garden party. Un vent de folie souffle sur les jardins, emportant la foule, la France « Black Blanc Beur ». Et un et deux et trois-zéro, les bleus sont là. 4000 jeunes en t-shirts et jeans troués, sur les 5000 invités. Tout le monde est là pour les champions du monde qui brandissent la coupe sous les yeux d’un président émerveillé, les stars, les héros ce sont les joueurs. Sur la pelouse, la france bleu-blanc-beur ovationne les champions du monde de la pelouse des stades. Les Bleus d’Aimé Jacquet sont acclamés, tout le monde chante We are the champions. Jacques Chirac soulève la coupe avec une émotion et une joie abracabrantesques, aux côtés de Zidane, Deschamps et les autres joueurs. Les politiques courent après les autographes des champions. Oublié le protocole, ambiance folle jamais vue à l’Elysée.1999, le président détendu se mêle aux invités,  donne des milliers de poignées de main et embrassades sur la pelouse envahie par quelques 2000 lycéens branchés qui ont crée des sites internet, et sont regardés de haut par des notables chapeautés et guindés. 2002, Jacques Chirac accueille les pompiers venus de New-York, ils sont les héros des attentats du 11 septembre 2001. 2003, laissez passer les artistes, les intermittents du spectacle et Nelson Mandela ancien président de la République d’Afrique du sud et prix nobel de la paix. Les 6000 invités affrontent la canicule, s’agglutinent sous les marronniers à la recherche d’ombre. Pour la fraîcheur, ils se ruent sur le kiosque à glace. 2006La jeunesse militante engagée est invitée, celle qui parle environnement,  écologie, humanitaire, à une fête orchestrée par Claude Chirac. C’est la dernière garden party de 12 ans de présidence. 

 

 
 

2007-2012 – Les années Nicolas Sarkozy –La garden-party élyséenne du 14 juillet 2007 est une scène pour le Président. Devant 7.000 personnes, il fait sa déclaration d’amour à Cécilia « Je voudrais dire à Cécilia qu’elle est très belle ». Il badine avec une certaine Valérie Trierweiler amoureuse secrète d’un certain François Hollande. Cécilia partira, abandonnant mari, palais et ors de la présidence… En 2008,  lors du traditionnel pince-fesses, 8.000 invités découvrent l’amoureuse du Président, Carla Bruni qui fait ses premiers pas de première dame et assistent à la remise de la Légion d’honneur à la franco-colombienne Ingrid Betancourt, otage libérée après six ans de captivité.

 2009, la France est en pleine crise économique, et le coût de la réception est dévoilé dans la presse (730.000 euros pour 7.500 invités).Nicolas Sarkozy est atteint de la folie des grandeurs, fête mondaine, décor immuable et tenues de gala pour l’Inde invitée. Bain de foule, photos, trois petits tours et puis s’en vont, Carla et Nicolas ne restent pas, décevant et choquant les invités. Peu de temps après, le président Sarkozy décide de supprimer immédiatement la traditionnelle fête élyséenne du 14 juillet.

 

En 2010, Carla organiser un simple barbecue avec quelques officiels.

 

2012, Hollande Président – il abandonne la tradition de la garden party qu’il juge chère et désuète. Adieu les uniformes, les chapeaux fleuris et les petits fours qui depuis 1880 animaient les 14 juillet à l’Elysée.

 
 
 

 

 
 

 

 
 
 
 
 
 
 

 

Publication connexe