Au Venezuela, un pays en proie à une inquiétante crise alimentaire, un groupe d’entrepreneuriat féminin discret, mais à l’influence grandissante, a placé tous ses espoirs dans une confiserie fruitée recouverte de chocolat.
Le 8 septembre, la femme à l’origine de ce puissant mouvement était à l’honneur d’un gala organisé à San Sebastian. Comme cela a été annoncé au mois de juillet, la chef Maria Fernanda Di Giacobbe y a reçu un prix culinaire remis par des grands chefs de plusieurs nationalités et récompensant les restaurateurs ayant un impact social positif.
Un grand rêve qui repose sur une toute petite confiserie. Mais pour la chef vénézuélienne Maria Fernanda Di Giacobbe, toute première lauréate du « Basque Culinary World Prize« , l’idée d’utiliser un aliment de luxe pour apporter une réponse à la crise alimentaire est pertinente étant donné la longue tradition de production chocolatière au Venezuela.
Le 8 septembre, Di Giacobbe a reçu donc cette récompense apparentée au « Prix Nobel » de la gastronomie pour avoir associé 8.500 de ses compatriotes à une initiative à mi-chemin entre poésie et tradition culinaire locale.
Quand Di Giacobbe a ouvert Kakao à Caracas en 2004, le concept de sa chocolaterie consistait à combiner le produit des fèves de cacao Criollo locales (parmi les plus prisées au monde) et des fruits confits ou des bonbons à la gélatine.
Di Giacobbe a commencé par former une trentaine de femmes au métier. À l’époque, Hugo Chavez était encore au pouvoir. La chef Di Giacobbe ne le savait pas encore mais ses chocolats allaient devenir bien plus qu’une simple nouveauté vénézuélienne. Pour ces femmes, ils représentaient le moyen de s’émanciper des aides gouvernementales et de devenir entrepreneures indépendantes dans le chocolat. Galvanisées par leur nouveau savoir, les femmes allaient le transmettre à d’autres.
Cet effet domino a poussé Di Giacobbe à ouvrir Cacao de Origen, un centre de formationenseignant aux femmes l’art de transformer les fèves de cacao en chocolat. « Ce n’est pas seulement mon oeuvre« , affirme Di Giacobbe dans une interview. « En sentant qu’il est possible de faire changer les choses, d’améliorer l’avenir, les femmes travaillent avec bonheur et générosité. C’est très beau« .
Plus largement, au regard de la crise alimentaire au Venezuela, Di Giacobbe voit dans le cacao une vraie solution. « Le cacao s’inscrit dans le cœur du peuple vénézuélien. Notre histoire, notre culture, notre religion sont reliées au cacao« , affirme-t-elle. Pendant des siècles, le Venezuela a compté parmi les plus grands producteurs mondiaux de cette denrée. Le pays en a été l’un des premiers exportateurs il y a environ 300 ans, comme le rappelle la chef.
Puis le pays est passé à une économie reposant sur le pétrole. Laissée à de petites entreprises familiales, la production de chocolat a alors baissé de façon drastique. Une production moindre mais de très grande qualité. Le Venezuela est célèbre pour sa fève Criollo prisée par les meilleurs chocolatiers du monde pour la complexité de sa saveur et de son arôme.
Di Giacobbe croit en la résurrection de la production chocolatière vénézuélienne et à unenouvelle mutation économique qui restaurerait la gloire de ce patrimoine ancien et placerait le pays sur une trajectoire nouvelle. « Le cacao est un produit vecteur de changement« , résume-t-elle. La chef prévoit d’utiliser la dotation de 100.000€ pour agrandir Cacao de Origen et enseigner non seulement les principes de la production de chocolat, mais aussi comment lancer son entreprise.
Source