Il connait parfaitement le sujet, sa parole pourrait peser prochainement sur les débats en vu des présidentielles. C’est en tout cas une parole qui peut être comprise et entendue par les acteurs dénoter profession qui n’ont pas encore pris conscience que notre planète ne pourra pas indéfiniment produire sans répit. La lutte contre le gaspillage alimentaire doit devenir une priorité, et les chefs doivent donner l’exemple pour les générations futures.
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Extraits :
Quels sont les enjeux qui vont peser sur le contenu de nos assiettes ?
Parmi les enjeux les plus importants, outre la question des objets connectés, se pose le problème de la pénurie de l’eau. Cela signifie que nous allons être obligés de végétaliser de plus en plus notre alimentation. Pour produire un bœuf, il faut 14 000 litres d’eau. Dans ces conditions, faut-il continuer à faire des élevages de masse ou arrêter de manger de la viande, du moins diminuer sa consommation ? Dans nos assiettes, il faudra qu’il y ait demain beaucoup moins de protéines animales. On a déjà amorcé ça, et je pense que les dix prochaines années vont aller dans le sens de cette loi des 80/20 – 80 % de végétal, 20% de protéines animales. Aujourd’hui, il y a de belles avancées dans l’utilisation des protéines végétales : on arrive par exemple à faire une mayonnaise avec du jus de cuisson de pois chiches, il suffit de l’émulsionner, il a la même teneur en protéines qu’une albumine d’oeuf.
Face à la pénurie d’eau, il faudra aussi être capable d’en récupérer ailleurs. C’est la raison pour laquelle nous travaillons par exemple sur l’utilisation des déchets de tomates. Les invendus de tomates peuvent représenter jusqu’à 30 tonnes et se composent à 25 % d’eau. Si on sait la récupérer, on peut la réinjecter dans les cultures… On essaie de ne plus rien perdre et de fabriquer le moins de déchets possible. C’est juste une question de bon sens, et le bon sens nait souvent de la survie.
On réfléchit également à des avancées techniques au niveau des contenants : se débarrasser des PVC, en travaillant par exemple sur des membranes végétales inspirées des grains de raisin ou des tomates, selon le principe du biomimétisme. Aujourd’hui, au laboratoire, on arrive à produire une membrane complètement naturelle, qui peut être comestible ou biodégradable.
La nourriture de demain semble placée sous le signe d’un retour à la « naturalité » ?
Dans les années 1970, on imaginait que les années 2000 seraient faites de nourriture en poudre, prédigérée, sans plus aucune relation avec le produit. On nous avait promis une nourriture très médicamenteuse, or c’est tout le contraire qui arrive. Plus la société se modernise, plus le monde devient anxiogène, plus on a envie de revenir à la nature, à une forme de naturalité. On a vu les choses s’inverser complètement à partir des années 2000 et s’imposer le désir de « voir la main qui me nourrit », de savoir d’où viennent les produits. Comme il y a eu une perte de confiance en terme d’alimentation, et que nous savons que cela fait partie de notre survie, on retourne vers cette naturalité, on essaie de comprendre la racine des choses.
Cette reprise en main de la planète s’impose à nous aujourd’hui tout simplement parce que si on veut continuer à y vivre, il va falloir faire attention au lien avec le vivant, se soucier d’avantage de la relation « de la terre à l’assiette ».
Et prendre en compte d’avantage les questions de santé liées à notre alimentation ?
Se nourrir en 2050, ce sera manger moins mais manger mieux, si on veut continuer à manger sain. De l’Antiquité grecque à Auguste Escoffier, au début du XXe siècle, l’alimentation a toujours été régie par un équilibre entre trois axes : plaisir, bien être et santé. Après la deuxième guerre mondiale, les choses se sont déréglées. On est arrivé à une surconsommation, à un épuisement des sols et à une méconnaissance de ce que l’on mange. Aujourd’hui, il y a un risque de santé publique qui oblige tout le monde à se dire : non, on ne veut pas mourir tout de suite, on veut reprendre les choses en main ! Beaucoup de gens savent désormais que mal manger a une incidence sur la santé. Donc, il faut en revenir aux principes de l’Antiquité grecque : je mange mieux, je mange moins et je comprends ce que je mange.
Comment faire pour assurer demain au plus grand nombre une alimentation de qualité et respectueuse de l’environnement ?
En créant, à l’échelle des Nations unies un organisme indépendant capable de mesurer l’incidence d’un produit au niveau environnemental mais aussi social. Je pense que demain des labels comme le bio seront dépassés car les industriels commencent à s’en emparer et risquent de les dévoyer. Aujourd’hui, tout le monde, et notamment l’industrie, essaie de s’acheter une vertu. Je vais aider le petit agriculteur de ma région, je vais lui acheter ses cochons entièrement bio. Il y a beaucoup de green washing… Vous pouvez vous appeler Bayer-Monsanto et vous mettre un masque éco-responsable, acheter toutes les terres agricoles disponibles et faire votre propre cahier des charges. C’est cela qu’il faut éviter. Donc je pense qu’il faut un organisme indépendant qui sera capable de mesurer au niveau des Nations unies ce qu’est un bon produit, et ce pour l’ensemble de la planète.
Aujourd’hui, dans mon métier, beaucoup de gens sont incapables de vous dire ce qu’est un bon produit. L’avenir est là : il faut recréer une ligne de confiance. Plutôt que de croire que l’alimentation va subir une modification à 90° degrés et que l’on mangera des gélules de lycopène à la place des tomates. Ce qui est intéressant aujourd’hui, c’est d’entrevoir que le consommateur, vous et moi, devient militant. La prise de conscience commence à se généraliser : le soda, c’est peut être pas ça qu’il faut consommer, la protéine animale, une fois par semaine ça suffit.
A l’avenir, n’ y a t il pas un risque de voir s’installer encore davantage une alimentation à deux vitesses ?
Mais elle existe depuis la nuit des temps ! Le pauvre a toujours mal mangé, le moins instruit a toujours mal mangé. Brillat Savarin disait « l’homme se nourrit, seul l’homme d’esprit sait manger». Ce n’est pas une question de richesse mais d’instruction. Donc, encore une fois, c’est là dessus qu’il faut lutter. Moi je milite pour des cours de cuisine et de pâtisserie dès le CP : si je n’apprends pas à comprendre ce que je mets dans mon corps, je vais reproduire le même schéma. Aujourd’hui encore, les chiffres sont clairs : 70 % des personnes consomment dans un hypermarché des produits dont ils n’évaluent pas forcément s’ils sont bons pour la santé et environnementalement responsables. Ils vont surconsommer des produits dans lesquels il y a beaucoup trop de sel et de sucre, qui sont exhausteurs de goût qui ont une influence lourde sur notre santé.
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Plus qu'à se mettre au boulot. Et les cuisinier, restaurateurs... Sont loin du compte. Il y a les paroles, les signatures... Il faut les actes. Et pas que de quelques-uns.