Tradition, innovation, terroir : voici les trois caractéristiques qui distinguent la cuisine de Rosanna Marziale, jeune et talentueuse chef italienne, ambassadrice de la mozzarella de bufflonne dans le monde entier.
Récompensée d’une étoile Michelin en 2013 pour la délicatesse et l’authenticité de ses plats, le chef Marziale connaît la mozzarella par cœur et prend beaucoup de plaisir à la travailler dans toutes ses formes, en la promouvant au-delà des frontières nationales avec sa cuisine. Certains de ses plats, comme la pizza au contraire ou la boule de mozzarella frite farcie avec des pâtes tagliolini au basilic, sont connus partout dans le monde et ont été considérés par les critiques comme étant des nouveaux « classiques instantanés » de la gastronomie napolitaine.
Fille d’un des premiers restaurateurs de la ville de Caserta, Rosanna Marziale s’est formée avec des chefs de calibre international tels que Martin Barasategui et Gianfranco Vissani. Délicatesse après délicatesse, elle a su s’imposer parmi les plus grands noms de la scène culinaire italienne. Ambassadrice du Consortium Mozzarella di Bufala Campana AOP au salon de Tokyo, invitée d’honneur au programme MasterChef Italia 4, directeur de la croisière gastronomique MSC Croisière, jury à Chopped Italia avec Misha Sukyas et Philippe Lèveillè, les succès de la chef Marziale ont été nombreux. Récemment, elle a également eu le privilège de cuisiner pour les invités de Dolce & Gabbana lors d’un défilé de mode à Londres en novembre 2017.
F&S a eu le plaisir de la rencontrer et de lui poser quelques questions pour mieux la connaître.
F&S : Bonjour Chef Marziale, voudriez-vous vous présenter à nos lecteurs et au public français à l’écoute ?
- Rosanna Marziale : Bonjour ! Oui, bien sûr. Je m’appelle Rosanna Marziale et je suis chef exécutif aux restaurants Le Colonne Marziale et San Bartolomeo Casa in Campagna, à Caserta. Je suis née parmi les fourneaux de ce restaurant familial que mon père Gaetano a fondé en 1958. Il s’appelait La bomboniera et n’avait qu’une seule salle. Aujourd’hui le bâtiment compte trois merveilleux étages dont j’aime prendre soin chaque jour avec une grande partie de ma famille, la vraie force de cette entreprise.
F&S : C’est pour cette raison que vous êtes si attachée au concept de tradition ?
- M. Oui, disons que j’ai toujours été une personne très passionnée au sujet de l’identité et qui est très fière de ses origines et de sa région. Pour moi, il a toujours été important de me définir en tant qu’une personne provenant d’un lieu spécifique. Je crois que chacun est très caractérisé par sa provenance et agit en fonction de ses origines et du lieu où il est né.
F&S : Quelle valeur donneriez-vous donc au territoire de provenance dans la carrière d’un chef ?
- M. Disons que pour moi, le territoire est un facteur important, mais je pense que ce sont avant tout les souvenirs d’enfance qui influencent le travail et toute la vie d’un individu. Quant à moi, ayant toujours vécu dans un restaurant, c’est le souvenir des odeurs des plats préparés par mon père, des gens qui se sont succédés dans nos salles, des choses qui se sont passées entre un service et un autre qui ont déterminé ce que je suis aujourd’hui… Ma passion pour la tradition était prévisible. Et je ne parle pas de la tradition culinaire de Campanie en générale, mais plus précisément de celle de Caserta, ma ville. C’est pour ça que j’essaye toujours de mettre en valeur les produits du terroir comme la mozzarella de bufflonne AOP, ainsi que tous les autres excellents produits qui naissent à deux pas de mon restaurant.
F&S : Pourrait-on dire que la mozzarella est votre produit préféré en absolu ?
- M. Oui, bien sûr, bien sûr. La mozzarella occupe une place particulière dans mon cœur et dans ma cuisine. C’est ma marque distinctive et j’en suis fière. Même si j’aime aussi le pain cafone, les pâtes, les olives de Caiazzo, les tomates du Piennolo… Bref, c’est vraiment difficile pour moi de choisir. Disons que j’ai plusieurs produits préférés !
F&S : En restant sur le sujet de la mozzarella, vous vous êtes récemment déclarée en faveur de l’exportation de la mozzarella de bufflone d’origine campanienne AOP. Puisqu’il s’agit d’un produit qui, en général, doit être consommé dans la journée ou juste quelques jours après l’achat, ne pensez-vous pas que cela pourrait modifier la perception que les consommateurs finaux étrangers peuvent avoir de ce fromage ?
- M. Comme vous le savez, je suis très proche et je soutiens fortement le consortium Mozzarella di bufala Campana AOP. Je pense que cette coopération soit nécessaire pour un meilleur contrôle, une promotion plus large et une meilleure connaissance des caractéristiques fondamentales du produit. C’est la seule façon de lutter contre la contrefaçon et de réussir à l’étranger. Et c’est pour cette raison que j’ai pleinement embrassé le futur projet du consortium qui a l’intention de commencer à exporter la mozzarella d’une manière plus intelligente et plus évoluée. Je crois, en fait, que si nous identifions et esquissons toutes les bonnes mesures à prendre pour transporter un produit congelé et le faire revivre une fois qu’il est à destination, les implications peuvent être positives. Parce que lorsque le produit est décongelé, il revit de la même façon que lorsqu’il a été abattu, sans perdre son goût et ses particularités. Au lieu de cela, très souvent à l’étranger, on se trouve face à des produits qui, malgré le logo du consortium, après dix jours, n’ont rien à voir avec la mozzarella originale. Ils ne restent que des fromages écrasés qui ne ressemblent pas du tout à la vraie mozzarella de bufflonne AOP, ni en termes de consistance, ni de saveur. Cependant, pour des pays comme la France, je pense qu’il y a encore beaucoup de possibilités de recevoir une mozzarella fraîche du jour. Tout ce qu’il faut, c’est juste un plus grand contrôle de la part de tous.
F&S : Vous avez toujours été une grande porte-parole de l’innovation dans le domaine culinaire. Les expériences culinaires non conventionnelles que vous proposez souvent dans votre restaurant, comme celle de la dégustation audio-guidée, en sont un exemple…
- M. Pour moi, l’innovation n’est pas un choix, c’est une étape naturelle pour l’être humain. Sans l’innovation, je crois que nous resterions statiques, pas évolués. Voilà pourquoi dans ma cuisine et dans mes restaurants, je propose toujours un peu d’innovation. Le discours de la dégustation audio-guidée « Les saveurs de notre terre », par exemple, est né parce qu’il y a quelques années, j’ai commencé à ressentir le besoin de raconter mon territoire à tous ceux qui goutaient mes plats. Ne pouvant quitter la cuisine, j’ai pensé proposer un audio-guide – comme celles des musées – pour accueillir mes invités pas seulement dans mon restaurant, mais surtout dans ma ville et ses alentours. Au début de la visite audio-guidée, par exemple, ma voix invite les convives à prendre en main la pierre volcanique placée au centre du plat pour familiariser avec le caractère fertile dont ce territoire bénéficie. Et ainsi de suite, avec l’explication de tous les autres produits : viande de buffle, pomme annurca, chicorée sauvage… Même le choix de l’eau a été pensé. C’est de l’eau de Fizzo, l’eau de l’aqueduc Carolino qui vient de la Vallée de Maddaloni jusqu’au Palais Royal ici à côté. Bref, je voulais raconter toutes les histoires qui relient mon territoire à la nourriture. Pour moi il s’agit aussi d’une nouvelle façon de promouvoir le tourisme dans ma région.
F&S : A propos de promotion. Vous avez récemment participé à de nombreuses émissions de télévision telles que Masterchef, Chopped et Gustibus. Quelle est, selon vous, l’importance de la télévision pour la promotion de la culture gastronomique et pour la sensibilisation culinaire des convives ?
- M. Je pense que la télévision a été, comme vous le dites, une grande aide dans l’évolution des connaissances gastronomiques de l’utilisateur final. La passion pour la cuisine et le vin, qui a submergé un peu tous ceux qui suivent des émissions de télévision comme Masterchef ou TopChef, a fait en sorte que ceux qui vont maintenant au restaurant soient plus curieux et attentifs à ce qu’ils mangent. Nous, les chefs, nous ne pouvons qu’en être ravis. Je crois aussi que la télévision aide beaucoup d’entre nous à mieux communiquer. Ma participation à Masterchef, par exemple, m’a donné l’occasion de rencontrer des gens que je n’aurais jamais pu rencontrer si je ne m’étais tournée que vers ma clientèle. Grâce à la télé, j’ai eu l’occasion de faire connaître un plat qui existe depuis 2003 et qui n’a explosé médiatiquement qu’en 2014, après ma participation en tant que jury à la finale de Masterchef.
F&S : Vos projets pour l’avenir ?
- M. Faire manger autant personnes que possible !