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Eric Frechon, chef 3 étoiles: « J’ai le sentiment qu’on me connaît mal »
En avant-première pour L’Express Styles, Eric Frechon, chef trois étoiles du Bristol, à Paris, dévoile le livre de ses plus grandes recettes signatures. Et aussi ses évolutions culinaires, son projet de restaurant…
Attention, ce livre de recettes (Eric Frechon, par Eric Frechon, 160p., Solar, 59 euros) est moins adapté au plan de travail dans la cuisine qu’à la table basse du salon. Format imposant, prix élitiste, papier velouté imprimé chez un artisan du Doubs qui travaille presque exclusivement pour Chanel et Hermès, recettes esthétisantes immortalisées par le photographe Benoît Linero… En cette rentrée, Eric Frechon jette un beau pavé dans la marmite! Un énième coup d’ergot dans le combat de toques qui se joue au rayon cuisine des librairies? Plutôt une volonté de signer un vrai livre de création gastronomique de la part d’un chef trois étoiles, Meilleur ouvrier de France, restaurateur à succès (le Lazare, Mini-Palais…), plus habitué aux petits ouvrages de cuisine ménagère. Rencontre dans son « aquarium », le bureau-salle à manger qu’il a fait aménager face aux fourneaux d’Epicure, le restaurant du Bristol…
Vous semblez avoir voulu faire beaucoup mieux qu’un livre de plus ?
C’est un livre manifeste qui lève le voile, pour la première fois, sur les 60 recettes qui font mon identité gastronomique. Cette aventure est née, en fait, d’une petite frustration: j’ai le sentiment qu’on me connaît mal. J’entends souvent dire: « Frechon, il fait toujours la même cuisine traditionnelle. » On me parle souvent de mes recettes ménagères, comme le croque-monsieur à la polenta, ou le Paris-Deauville, le dessert signature de ma brasserie le Lazare. Mais l’essentiel de mon énergie et de mon savoir-faire, je les mets dans mon travail au Bristol…
Les macaronis farcis de truffe noire, artichaut et foie gras sont pourtant l’une des recettes les plus connues de la capitale…
C’est vrai, c’est un plat qui fait l’unanimité. Il est commandé par trois couverts sur cinq au Bristol et je n’ai jamais entendu une seule critique à son sujet! Je l’assume et je suis toujours aussi heureux quand on m’en parle, mais il est à la carte depuis les années 2000! J’ai fait beaucoup de chemin depuis…
Peut-on vous qualifier de chef classique ?
J’ai le plus grand respect pour le répertoire saucier français, je cuisine du gibier et je continue à servir une poularde cuite en vessie, découpée en salle sous les yeux du client. C’est pour moi l’une des plus belles expériences qui soit! C’est une fois que l’on connaît ses classiques sur le bout des doigts qu’on peut se permettre de les chahuter.
Le lièvre à la royale par exemple : …/…
Par ailleurs, les techniques classiques n’empêchent pas les mariages osés: j’associe le lapin et le poulpe, ou encore le ris de veau et le couteau dans des accords terre-mer qui gardent le sens de l’équilibre…
On vous connaît aussi depuis peu un nouveau terrain de jeu: le potager…
J’ai longtemps trouvé la cuisine végétale ennuyeuse, et je pensais qu’il fallait concentrer ses efforts de création sur la viande ou le poisson. Aujourd’hui, à toutes les saisons, beaucoup de légumes sont au centre de mes assiettes. Je cuisinais au printemps des artichauts de Provence avec un assaisonnement à l’anchois, que le client était invité à picorer avec les doigts. L’oignon de Roscoff, le petit pois, l’asperge ou le céleri-rave se suffisent à eux-mêmes dans un plat…
Une autre de vos créations végétales a fait beaucoup parlé d’elle, l’hiver dernier…
La truffe noire en croûte ! Ce plat est une aventure forte en émotions. Le client voit arriver à table un plat tapissé de mousse, comme si c’était un morceau de sous-bois. …/… les goûts sont d’une longueur en bouche étourdissante…
Avec des additions qui se situent entre 250 et 450 euros, les palaces n’atteignent-ils pas des prix trop élevés ?
C’est le prix de l’excellence. Je dispose de moyens humains importants et des plus beaux produits. Pendant les quatre mois de la saison de la truffe noire, j’achète 10 kilos de truffe par semaine, à 1000 euros le kilo… J’ai conscience que tout le monde n’a pas les moyens de s’attabler à Epicure. Mais de nombreux clients me disent aussi qu’ils préfèrent économiser trois ou quatre sorties au restaurant pour vivre ici une expérience inoubliable. La gastronomie de palace est à la restauration ce que la haute couture est au prêt-à-porter ou la formule 1 à l’industrie automobile : un laboratoire qui tire tout un secteur vers le haut et qui fait avancer la création. Une partie de l’histoire de la gastronomie française s’est écrite aux fourneaux des palaces…
L’hôtellerie de luxe est touchée de plein fouet par la baisse de la fréquentation touristique à Paris. Comment se porte le carnet de réservations du Bristol ?
Comme tous les palaces, le Bristol souffre d’une chute de fréquentation au niveau des chambres mais, pour ce qui est du restaurant, nous n’avons pas à nous plaindre. Notre liste d’attente s’est certes un peu réduite mais nos 45 couverts affichent complet midi et soir. Nous travaillons très bien avec la clientèle française…
Nicolas Sarkozy est-il toujours un client aussi fidèle ?
Il est venu cet été avec sa petite famille et sa belle-mère et il a évidemment commandé des macaronis farcis. A chaque fois qu’il s’est attablé ici, en privé avec ses ministres ou Angela Merkel pendant son quinquennat, c’était macaronis pour tout le monde… Nous avons eu affaire à un homme très sympathique, qui avait toujours un mot pour chacun et qui venait saluer ma brigade en cuisine… Je ne fais pas de politique, mais Nicolas Sarkozy a beaucoup de respect pour les gens qui travaillent dur.
C’est lui-même qui vous a remis en 2008 la légion d’honneur. Est-ce la récompense dont vous êtes le plus fier ?
Ce fut une immense joie, d’autant que je l’ai appris en voyant mon nom dans la promotion publiée par la presse. Mais je suis plus attaché à mon titre de Meilleur Ouvrier de France obtenu en 1993. Vous êtes seul face à 700 cuisiniers dans une compétition sans merci et à la fin, on vous annonce que vous êtes parmi les gagnants!
Vous sortez souvent au restaurant pour vous informer sur les évolutions de la restauration?
Avec ma femme, Clarisse, nous sortons très rarement dans les restaurants 3 étoiles… Je préfère des expériences plus décontractées ou dépaysantes. Nous avons dîné il y a quelques jours chez Teppanyaki Ginza Onodera, rue des Ciseaux, dans le quartier de Saint-Germain. C’est une formidable démonstration de cuisine japonaise sur plaque chauffante…
Vous avez un fils, Franklin, âgé de 2 ans. Vous cuisinez pour lui?
Tout le temps ! …/…
Vous avez d’autres projets?
Je reprends les fourneaux du Drugstore des Champs-Elysées, avec l’idée que cet endroit mythique doit renouer avec son succès des années 1970-80. L’ouverture est prévue pour le printemps 2017. Je ne peux pas en dire plus pour l’instant mais c’est un grand designer qui signe le décor et le concept de la carte sera très innovant…