Daniel Boulud :  » Je dis toujours que les créations des chefs sont la mémoire des autres chefs « 

 Le journaliste Canadien Thierry Daraize a rencontré le chef Daniel Boulud lors de son dernier passage à Montréal où il supervise le restaurant  » Maison Boulud  » qui est implanté dans l’hôtel Ritz Carlton. Questionnaire Gourmand pour le Journal de Montréal

EXTRAITS 

J’ai rencontré Daniel Boulud lors de son récent passage à Montréal, pendant le Grand Prix de Formule 1 du Canada. Même s’il est souvent à Montréal, ce chef mondialement connu a un agenda de premier ministre. Il ne chôme pas avec ses nombreux restaurants. New York (10), Miami, Palm Beach, Boston, Toronto, Singapour et, bien sûr, Montréal. C’est sans compter ses apparitions télévisées, à MasterChef entre autres, ses livres de cuisine et de recettes, ses produits signature, ses boutiques, des événements spéciaux, deux jeunes enfants et une femme merveilleuse. Côté cuisine, c’est un homme-orchestre qui sait faire confiance à ses équipes respectives pour assurer son style et son savoir-faire.

Très attaché à ses valeurs familiales, à ses parents et à sa région lyonnaise, Daniel Boulud est un artiste de la cuisine, où l’ingrédient primordial est la sincérité.

QUESTIONNAIRE GOURMAND

Alors Daniel, café ou thé ?

Moi, je suis plutôt café, mais mon fils, cinq ans, prend le matin une petite tisane avec une feuille de camomille que je rapporte de chez mes parents qui vivent dans la région lyonnaise. Nous avons un grand pot avec les feuilles séchées et c’est un rituel de faire cette petite infusion le matin pour lui.

Café-croissant ou gruau et fruit ?

Le petit déjeuner est sous la responsabilité de ma femme, et c’est, pour elle, très important, car il permet de bien démarrer la journée. Le croissant, c’est fini pour moi ! C’est donc plutôt des smoothies avec plein de fruits rouges, de bons jus de fruits, des céréales santé, bref, on prend collectivement bien soin de nous à la maison.

Pain tranché ou baguette ?

Si la baguette est fraîche, très bonne et bien croquante, je vais me laisser tenter. Je suis né dans une famille où mon père fait le pain. Une belle grosse miche de pain de campagne, avec une farine de qualité. Son pain est merveilleux, il reste consommable sans problème toute la semaine. Couper une tranche de ce pain me comble de bonheur.

Beurre ou margarine ?

Beurre, c’est culturel, et c’est merveilleux pour la cuisine. Du bon beurre frais, c’est quand même le top.

Végé ou carné ?

Même si mon alimentation change et que je suis conscient des bienfaits sur la santé de manger végé, je suis quand même amoureux de la belle viande. Pas en grande quantité. Mes plats, mes créations culinaires sont toujours des harmonies de viandes, de poissons et de légumes, afin d’être les meilleurs compagnons du monde. Cette harmonie-là, j’y pense tout le temps, et c’est vrai que je mange plus de légumes aujourd’hui qu’il y a 20 ans. Si vrai que le menu de mon nouveau restaurant, qui verra le jour fin 2020 à New York, sera presque exclusivement composé de poisson, de fruits de mer, mais surtout végétal.

Alors, viande ou poisson ?

J’ai tendance à manger du poisson le midi et de la viande le soir. Nous, les cuisiniers, on coupe la viande pendant le service et il n’est pas rare de se prendre un petit morceau de viande resté sur la planche à découper. C’est la part du chef.

Salade ou frites ?

Les deux, le plus souvent. J’aime les frites évidemment, mais la salade du jardin de mes parents, comme la scarole, c’est magnifique.

Fromage ou dessert ?

Je suis fromage et dessert. Surtout qu’il reste généralement du bon vin à table et qu’il permet de merveilleusement accompagner le fromage. Pour les desserts, je fais souvent des choses simples, avec quelques ingrédients, comme la pêche Melba.

Fromage à pâte ferme ou crémeux ?

Alors, encore dans ma région lyonnaise, le fromage de chèvre est bien présent. Parfois, le même chèvre peut, avec des périodes de maturation différentes, exprimer des saveurs et des textures bien distinctes, c’est merveilleux. Sinon, à la maison, j’ai souvent un bon gros morceau de Comté, cela me permet d’en faire plusieurs utilisations. Râpé sur des légumes, sur une salade, fondu, g­ratiné… c’est sans limites.

Un festival ou un événement ?

Évidemment le festival Montréal en Lumière, car j’y viens depuis de nombreuses années, depuis que je suis au Ritz Carlton Montréal avec mon restaurant Maison Boulud. Cela nous permet aussi d’inviter des chefs qui n’ont pas toujours une très grande renommée internationale. Ils sont des chefs incroyables, avec leurs cultures, leurs styles et leurs émotions culinaires à proposer aux gourmets de Montréal.

Meilleur souvenir – sa visite chez Paul Bocuse avec le journaliste américain Anthony Bourdain

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Resto ou livraison ?

Pour te dire la vérité, le dimanche, c’est repos en famille et nous mangeons toujours chez moi. Lorsque je dis chez moi, cela veut dire dans l’un de mes restaurants. Cela me permet d’aller voir mes équipes et en même temps de bien relaxer avec mes enfants et ma femme.

Gastronomie ou bistro ?

La qualité des restaurants-bistros aujourd’hui est spectaculaire. Les chefs font beaucoup d’efforts pour combler les attentes des clients avec des menus réduits, ce sont souvent de super chefs. Mais sincèrement, je suis profondément gastro, car la vie est trop courte et c’est souvent des lieux qui donnent un immense plaisir, et se faire plaisir, c’est merveilleux.

Bière ou vin ?

Vin. Bourgogne.

Blanc ou rouge ?

Généralement rouge. Je suis originaire de Lyon, un pied dans le Rhône et un pied dans la Bourgogne. J’ai même créé Bar Boulud à New York avec une carte des vins mi-bourguignons et mi-rhodaniens. Sinon, en blanc, j’aime le .

Bulles ou cocktail pour l’apéro ?

Je dirais bulles en début de soirée, mais un bon cocktail en fin de soirée, c’est bien aussi.

Présente-moi ton accessoire de cuisine fétiche, et pourquoi l’avoir choisi.

Mon père est très doué pour faire toutes sortes d’objets en bois. Il m’a fait des spatules en bois avec les logos de mes restaurants au fer chaud. Je m’en sers à la maison et, évidemment, chaque fois que je les utilise, je pense à lui. Il a même fait des petits bâtons à mâchouiller à mes enfants pour se faire les dents, il pense à tout.

Pour toi, un repas et une soirée parfaite, c’est quoi ?

Alors, il y aura obligatoirement un plat mijoté, c’est parfait, tu le laisses au centre de la table et le plaisir du partage fait le reste. Un poisson cuit à basse température pour avoir une belle texture. Il y aura aussi sûrement un risotto, car j’adore les faire, pourtant, je ne suis pas italien, mais la polyvalence de cette préparation permet d’y ajouter toutes sortes de bonnes choses.

Raconte-moi la réalisation culinaire dont tu es le plus fier.

Je dis toujours que les créations des chefs sont la mémoire des autres chefs. La paupiette de sébaste (sea bass) en croûte de pomme de terre, sur un lit de poireau et un cordon de sauce au vin rouge. Un grand plat doit être intemporel, une harmonie et un équilibre juste. C’est aussi un hommage à mon maître Paul Bocuse, il faisait un plat qui m’a beaucoup marqué, un rouget en écailles de pomme de terre. Il n’y a pas un chef qui crée un plat sans penser à un autre chef, et c’est en pensant à lui que j’ai imaginé ce plat.

Meilleure expérience culinaire à vie ?

Nous avons fait une émission avec Antony Bourdin chez Paul Bocuse à Lyon.

Ça sentait quoi, chez toi, dans la cuisine, lorsque tu étais petit ?

Alors, le midi, j’allais à l’école et lorsque je revenais le soir, on mangeait de la soupe, toute l’année. Ça sentait tellement bon dans la maison avec les légumes du potager qui changeaient selon les saisons. Le dimanche, c’était le gratin de cardons, un légume que l’on appelle aussi artichaut sauvage. Sinon, les tartes de ma maman, ses clafoutis, entre autres, sont une pure merveille.

CARNETS D’ADRESSES

Tes restos préférés ?

À Lyon, le restaurant le Suprême. Deux jeunes chefs qui ont déjà travaillé chez moi, et je les adore. Ils font une cuisine d’une très grande sincérité, simple et délicieuse.

Resto préféré pour tes sorties en groupe ?

Le Café Ferreira est un restaurant que j’aime profondément, car le propriétaire Carlos Ferreira est un grand restaurateur. C’est toujours parfait, il m’épate à chacune de mes visites. On ne connaît pas bien ou pas assez la cuisine portugaise, je pense, on valorise beaucoup les autres gastronomies du monde, pourtant, la cuisine portugaise, c’est de la grande cuisine. Que ce soit en tête à tête ou pour les groupes, il y a un accueil et un service impeccables chez Carlos.

Produits culinaires chouchous ?

L’avocat. J’ai un fournisseur mexicain qui me fait des avocats de rêve. Il me les livre lorsqu’ils sont à parfaite maturation, fermes, tendres et goûteux en même temps, c’est top.

De quoi ne peux-tu pas te passer en cuisine ?

De l’échalote, la cuisine française sans échalote, c’est compliqué (rire) !

Gourmandise coupable ?

C’est souvent très très cher, trop cher, mais ma gourmandise coupable, c’est le caviar.

Ton style de cuisine préférée ?

La cuisine du marché, la cuisine des saisons.

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