Il réalise son rêve, la création d’un musée spécial avec sa collection de photos, ses médailles, ses 6000 livres de cuisine, dont un de 1516 avec des recettes du chef de cuisine du Pape. Le Musée se trouvera en Suisse au coeur de la Swiss Education Group qui offre une aile de la Culinary Arts Academy au Bouveret pour exposer The Mosimann Collection de façon permanente dès ce 4 juin 2016.
Une des internautes fidèle à F&S a transmis une interview du chef qu’elle a repéré sur la presse Suisse … F&S vous en délivre quelques extraits … pour retrouver l’article en intégralité, cliquez sur le LINK.
Anton Mosimann cuisine pour les grands de ce monde comme la reine d’Angleterre. Une star des fourneaux très disciplinée et relax. Un homme bienveillant, aussi. Son musée s’ouvre au Bouveret.
Comment faites-vous pour supporter depuis cinquante ans la pression qui pèse sur les épaules d’un grand chef de cuisine?
Anton Mosimann: J’ai appris à mettre de côté la pression négative pour me concentrer sur la pression positive. Si vous y arrivez, cela devient fantastique!
Et comment fait-on concrètement?
Déjà, je cours 5 kilomètres tous les matins pour la concentration. Quand j’étais jeune chef au Dorchester Hotel, avec deux étoiles Michelin, la pression était grande, il faut être tous les jours au top, oublier ce qu’on a fait le jour d’avant, mais j’aime cette adrénaline, en plus j’aime les gens, et je suis, je crois, quelqu’un de motivant, ça aide à rester positif. J’ai toujours vu le verre à moitié plein dans ma vie. Bien sûr, j’ai connu la tristesse, les pleurs, mais jamais au point de déprimer. Je crois en la vie, il faut coopérer avec elle! J’ai travaillé et vécu un an au Japon, j’aime sa culture, sa discipline, je suis, comme les Japonais, quelqu’un de très discipliné. Dur avec moi-même, dur avec mon équipe mais toujours juste. Je ne me suis jamais réveillé sans l’envie d’aller travailler.
On peut être dur tout en aimant les gens?
A Douanne, où j’ai fait mon apprentissage auprès d’un chef formidable, doux et gentil, il y avait par contre un sous-chef très dur qui criait tout le temps. J’avais 15 ans et je me suis juré que je ne voulais jamais devenir comme lui! Il faut aussi apprendre à ne pas être, pas seulement à être. Il me suffit aujourd’hui de regarder la personne qui fait quelque chose qui me déplaît, elle comprend tout de suite! Je ne crie jamais, même dans un grand banquet de 600 personnes, j’arrive à rester calme, à ne jamais perdre mes nerfs.
Le petit Anton Mosimann était-il un enfant heureux?
Très. J’étais enfant unique, un peu solitaire du fait que mes parents tenaient un restaurant à Nidau et qu’ils n’avaient pas beaucoup de temps pour moi. Je faisais mes devoirs dans la fumée et parfois au milieu de clients ivres. J’entendais des discussions qui n’étaient pas toujours de mon âge… ce qui m’a fait mûrir plus vite. Nous avions peu d’espace à la maison, j’ai dormi avec mes parents jusqu’à l’âge de 9 ans. Puis on m’a donné comme chambre l’entrepôt à cigarettes. Malgré le fait qu’il y avait des centaines de paquets, je n’en ai jamais touché une de ma vie! (Rire.) A 14 ans, je pratiquais aussi la lutte gréco-romaine à un haut niveau. C’est vrai, je n’ai pas le physique d’un lutteur, personne ne croit que j’en ai fait, mais j’ai gagné beaucoup de médailles. Je compensais mon gabarit en étant plus rapide, plus fort mentalement que mes adversaires!
Le premier souvenir marquant lié à la nourriture?
J’adorais aller au marché, toucher une tomate… A 7 ans, mes parents m’ont laissé inviter mes camarades le jour de fermeture du restaurant, je leur ai cuisiné des spaghettis avec une bonne sauce, j’étais déjà un chef dans ma tête. Je n’ai jamais imaginé faire un autre job!
Quelles valeurs vous ont-ils transmises?
Le goût de l’effort et le sens des économies. J’aidais au service à midi avant de retourner à l’école. Ils étaient pauvres, on devait économiser sur tout. Encore aujourd’hui, je reste allergique au gaspillage, je passe derrière les autres pour éteindre les lumières…
Le Mosimann’s Club de Londres compte parmi ses membres toute la jet-set et tout le gratin londonien. Vous organisez les banquets de la reine, vous avez été le cuisinier du repas de mariage de Kate et William, sans compter les chefs d’Etat qui ont goûté à votre cuisine. Vos parents ont-ils pu partager avec vous cet immense succès?
Ma mère est malheureusement décédée à 47 ans. J’étais au Canada à l’époque, je suis triste qu’elle n’ait pas pu connaître tout cela. Par contre, mon père est venu plusieurs fois à Londres!
Qu’est-ce qui reste en vous du petit Anton d’hier?
Le goût de la liberté. L’idée qu’on n’arrive à rien sans un travail intensif. L’envie d’ailleurs. L’inconnu ne m’a jamais effrayé!
Vous avez rencontré votre épouse dans un avion pour Tokyo. Quarante-trois ans plus tard, vous êtes toujours ensemble. En cuisine comme en amour, il faut beaucoup travailler?
C’est surtout une question de don. Il faut donner pour que ça marche. Quand vous partagez une vie, un job, vous devez vous mettre à la place de l’autre, le respecter! En famille comme au travail, s’il y a un problème, on prend le temps de le résoudre en parlant. Plutôt que de mettre les gens à terre, j’aime mieux les hisser vers le haut. En 43 ans de vie conjugale, nous n’avons jamais crié l’un sur l’autre.
Cette passion du métier qui vous anime, vous n’avez jamais peur de la perdre?
Ma passion ne disparaîtra jamais. Cela me rend heureux de rendre les gens heureux, je veux des gens heureux autour de moi!
Vos deux fils marchent sur vos traces, vous les avez beaucoup influencés?
Indirectement oui, directement non. Ils étaient attirés par l’hôtellerie, je leur ai dit: «Allez étudier à Lausanne et ensuite faites vos expériences loin de moi, perdez-vous (get lost!)!» Ce qu’ils ont fait en allant à Hong Kong, à Shanghai, à San Francisco, avant de revenir à Londres, enrichis par d’autres cultures et avec cette maxime: we can do it!
Vous pensez avoir été un bon père?
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Vous qui êtes devenu citoyen britannique, vous n’avez jamais songé à revenir vivre en Suisse?
J’ai un appartement à Montreux, je reviens souvent, mais la culture anglaise me convient bien. J’ai eu la chance de connaître très bien la reine, j’ai connu la reine mère, la princesse Diana avant son mariage qui venait chez moi sans gardes du corps deux fois par semaine me demander des conseils pour les menus de son père qui avait été hospitalisé et vivait à l’hôtel. Le prince William est aussi venu dans ma cuisine, j’ai cuisiné les légumes du jardin de son père, le prince Charles, avec qui j’ai eu de longues conversations. Ce sont des gens charmants. Plus vous êtes proche d’eux, plus vous les aimez!
Qu’est-ce qu’il y a de très anglais chez Anton Mosimann, en dehors de vos 350 nœuds papillons et du thé que vous me servez à l’instant?
(Sourire.) Il y a un mélange chez moi de discipline très helvétique et de laisser-faire typiquement anglais. Relax et discipliné. Les deux ingrédients, comme dans une bonne sauce, s’accordent bien!
Vous avez connu toutes les distinctions, tous les honneurs, avez-vous encore des rêves?
Enormément. Je tiens un journal intime depuis mes 15 ans. A 25 ans, j’ai écrit que mon rêve serait d’avoir un jour un musée à mon nom. Et ce rêve va se réaliser grâce au Swiss Education Group qui m’offre une aile de la Culinary Arts Academy au Bouveret pour exposer The Mosimann Collection de façon permanente (dès le 4 juin). Je suis si honoré, si heureux, vous verrez, ce sera un musée spécial avec ma collection de photos, mes médailles, mes 6000 livres, dont un de 1516 avec des recettes du chef de cuisine du pape. Il y aura aussi des objets de Claude Nobs, qui était cuisinier mais surtout mon ami. Ce musée, c’est une façon pour moi de partager mes recettes, j’ai connu un chef qui est mort avec sa recette de foie gras qu’il n’a jamais voulu transmettre. C’est triste. Je partage tous mes secrets avec mon équipe. J’adore enseigner.
Vous croyez à la destinée?
En partie, oui. L’autre dépend de votre volonté de gagner. Je n’ai jamais participé à une compétition sans penser gagner! Un plat, je ne le cuisine pas une mais dix fois pour être sûr qu’il sera parfait!
Le péché de gourmandise est admis dans votre cas, mais le péché de vanité, comment lui résister?
Je n’ai jamais oublié d’où je viens, il n’y a donc aucune raison d’attraper la grosse tête. …/…
Si on faisait un film de votre vie, qui pourrait tenir le rôle d’Anton Mosimann?
Moi! (Sourire.) Je suis en train d’écrire ma biographie, je trouve l’exercice passionnant et je réalise la chance que j’ai eue de rencontrer des gens si extraordinaires dans ma vie. J’aime ce souvenir d’un dîner organisé par le premier ministre David Cameron au 10, Downing Street en l’honneur de Jacques Chirac. Après le repas, M. Chirac a demandé à me voir, il m’a dit: «Le meeting n’était pas terrible, mais le repas était fantastique, merci.»
A 69 ans, vous songez parfois à la retraite?
Jamais. Physiquement et mentalement, je me sens tellement plus jeune que mon âge. Vieillir ne m’a jamais effleuré l’esprit.
La mort?
Non plus. Mais si on me disait maintenant que je n’ai que dix minutes à vivre, je ne supplierais pas pour cinq ans de plus. Je dirais: «OK, je viens, je suis prêt.» Je prends la vie comme elle vient, au jour le jour!
On dit pourtant que vous avez planifié le repas qui sera servi à vos funérailles, est-ce vrai?
Oui. A 50 ans, j’ai planifié mon enterrement dans les moindres détails. Le lieu, le repas, la musique, qui chantera… Il y avait 750 invités à mes 50 ans, venus du monde entier. Je les avais invités deux ans auparavant en leur envoyant simplement un crayon où était inscrit juste ce mot: «Réservez cette date!»
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Quand la reine vous a fait officier de l’Ordre de l’Empire britannique, qu’avez-vous ressenti?
Top of the world! La reine d’Angleterre remet personnellement un titre à un cuisinier de Nidau. Incroyable! Il y a dix ans, j’étais le président de l’Association des fournisseurs royaux, vieille de 170 ans. Quel honneur ce fut! Cette année-là, je l’ai rencontrée quatre fois!
Vous qui avez inventé il y a vingt-cinq ans la cuisine au naturel sans gras, lui avez-vous déjà fait goûter votre filet de féra du Léman à la vapeur?
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