À l’Auberge de Clochemerle : rencontre avec Romain et Delphine Barthe

Il y a, nichée au cœur du Beaujolais, une auberge qui fait parler d’elle aux quatre coins des vignes : l’Auberge de Clochemerle, tenue Romain et Delphine Barthe un tandem. Là, dans ce refuge gourmand, l’authenticité règne en maître et chaque repas se transforme en un instant de poésie culinaire. Romain, chef inspiré, compose une cuisine libre, mouvante, qui s’adapte aux saisons, raconte des histoires, tandis que Delphine, sommelière émérite, tisse des accords subtils, entre les vins du terroir. Ensemble, ils offrent une halte hors du temps où la simplicité rime avec générosité. Voici leur interview :

Comment définiriez-vous la cuisine que vous proposez aujourd’hui à l’Auberge de Clochemerle ?

Romain Barthe : Ah, c’est une question complexe, car ma cuisine est en perpétuelle évolution. En réalité, elle dépend de nombreux facteurs : mes voyages, la météo et même mes humeurs qui influencent chaque plat que je crée. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi de ne pas proposer de carte fixe. Ainsi, chaque matin, j’adapte mes propositions au ressenti du moment. Par exemple, un jour de froid peut m’inspirer des plats réconfortants, chaleureux, tandis que les jours de grande chaleur m’amènent à imaginer une cuisine plus fraîche, légère. Bien entendu, les produits de saison jouent un rôle central, mais je m’accorde également une certaine liberté en y intégrant des touches d’influences lointaines que je découvre lors de mes voyages. J’apprécie énormément de faire découvrir ces saveurs et ces textures venues d’ailleurs, pour enrichir l’expérience de mes clients. Je ne me considère pas comme un fervent « locavore » ; je cherche avant tout à surprendre et à partager mes découvertes, sans m’imposer de cadre rigide ou de limites géographiques.

Votre parcours vous a mené dans plusieurs grandes maisons. Comment ces expériences influencent-elles la philosophie culinaire que vous partagez aujourd’hui à Clochemerle ?

Romain : Ces années passées dans de grandes maisons ont forgé ma vision de la cuisine. Elles m’ont offert un éventail de perspectives qui m’a permis de structurer mon approche culinaire tout en m’ouvrant l’esprit. J’ai ainsi eu l’opportunité de travailler dans des établissements aux styles très divers : aux Crayères, par exemple, j’ai intégré une grande maison bourgeoise où nous étions une trentaine en cuisine. Cette expérience m’a appris la rigueur, la précision, et l’organisation indispensable dans une brigade. En Suisse, j’ai exploré une cuisine plus contemporaine, ce qui m’a permis de saisir l’importance de l’adaptabilité. C’est en vivant ces différences que j’ai compris ce que je voulais vraiment : pas un grand établissement, mais un lieu plus intimiste où je pourrais me consacrer à chaque détail et offrir une expérience conviviale. L’Auberge de Clochemerle est le reflet de cette aspiration.

En 2012, vous avez décroché une étoile Michelin. Comment cela a-t-il influencé votre cuisine et votre établissement ?

Romain : Obtenir une étoile Michelin était bien sûr une immense fierté, une validation du travail accompli. Mais cela n’a pas radicalement transformé notre manière de faire. Dès le départ, nous avons opté pour la rigueur, une sélection pointue des produits, et une attention au détail. L’étoile a surtout eu un impact en termes de visibilité en nous permettant de nous faire connaître dans un cadre un peu plus isolé, à la campagne, où il peut être difficile d’attirer de nouveaux clients. Cela a certainement contribué à une reconnaissance plus large de notre travail, mais l’approche est restée la même. Aujourd’hui, si cette étoile devait revenir, cela serait une grande joie, bien entendu, mais ce serait avant tout une récompense pour l’équipe comme une reconnaissance de leur engagement et de leur passion.

L’Auberge se distingue par une ambiance feutrée et conviviale. Comment décririez-vous l’expérience que vous souhaitez transmettre aux clients ?

Delphine Barthe : Nous avons voulu créer un espace où les clients se sentent chez eux, dans une atmosphère à la fois intime et apaisante. C’est une expérience immersive où chacun est invité à se laisser porter par notre cuisine et notre accueil, un peu comme s’il visitait des amis proches. Notre salle est volontairement sobre, avec des couleurs douces et une décoration épurée, pour que l’attention soit focalisée sur l’assiette et sur les échanges. Par exemple, nous avons choisi de poser de la moquette au sol et d’installer des rideaux car cela absorbe le bruit et favorise une ambiance feutrée. Cela permet de conserver cette chaleur humaine, un certain confort, où le client se sent enveloppé. Nous essayons vraiment de faire en sorte que chaque séjour ici soit comme une petite escapade, un moment suspendu hors du temps.

Vous proposez des accords mets et thés, une démarche encore rare dans la gastronomie française. Comment en êtes-vous venue à intégrer le thé dans vos accords, et que cherchez-vous à transmettre aux clients à travers cette expérience ?

Delphine Barthe : J’ai découvert l’univers du thé et ce fut pour moi une révélation ! Le thé apporte une finesse et une complexité différentes de celles du vin, c’est un terrain d’expérimentation qui me permet d’oser des associations nouvelles, subtiles, où les arômes se révèlent de manière progressive. En cuisine, je cherche à surprendre les clients, à les faire voyager, et le thé complète cette démarche. Un thé bien infusé, à la juste température, peut transformer un plat et enrichir l’expérience gustative de manière unique.

Romain, en tant que chef et propriétaire, comment parvenez-vous à équilibrer gestion d’entreprise et créativité en cuisine ?

Romain : C’est un exercice délicat, mais nous avons la chance d’avoir une clientèle compréhensive, qui valorise notre engagement à proposer une cuisine de qualité, et qui nous laisse une certaine liberté créative. Cette relation de confiance nous permet de rester dans l’innovation tout en étant attentifs à notre gestion. La maîtrise des coûts est évidemment cruciale, mais nous refusons de transiger sur la qualité. Nous portons une attention particulière au gaspillage alimentaire en cherchant toujours de nouvelles manières d’exploiter les ressources à disposition. Par exemple, certains produits peuvent être utilisés dans plusieurs préparations et cela nous aide à maintenir une créativité constante. Nous adaptons aussi nos menus pour minimiser les pertes, ce qui est essentiel à la fois pour notre économie et pour notre démarche durable. Il est important pour nous de créer des plats surprenants et originaux, mais tout en restant pragmatiques.

En dehors de la cuisine, vous êtes passionné de course. Cela influence-t-il votre approche culinaire ?

Romain : Oui, la course est devenue une part importante de ma vie et cela a un impact direct sur ma manière de voir la cuisine. Courir me permet de prendre du recul, de réfléchir et de gérer le stress du quotidien en cuisine. C’est une activité qui m’offre une forme de discipline mentale, car il faut apprendre à repousser ses limites, tout en restant à l’écoute de son corps. En fait, la course, surtout les ultra-trails, est une belle analogie avec le métier de chef. Dans un ultra-trail, vous traversez des phases d’euphorie, puis des moments de doute où chaque pas devient un effort. Il y a des hauts et des bas, des instants où l’on se demande si l’on peut vraiment continuer. En cuisine, c’est un peu la même chose. Il faut persévérer, ne pas se décourager, même quand les choses deviennent intenses ou complexes. Chaque jour est un défi, une quête de perfection. Cette discipline et cette persévérance acquises dans la course m’aident à maintenir le cap et à cultiver cette passion, que ce soit dans ma vie de chef ou dans mon équilibre personnel.


Romain et Delphine Barthe, avec leur passion commune ont su créer un lieu où chaque détail compte, ou chaque saveur raconte une histoire, et où chaque accord – qu’il soit au vin ou au thé – invite à la découverte ! Dans ce coin du Beaujolais, ils façonnent une expérience authentique, à la fois ancrée dans le terroir et ouverte sur le monde. Pour les convives, c’est une parenthèse rare, empreinte de générosité et de créativité, qui invite à revenir encore et encore !

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