Pourvoyeurs de liquides, de solides, de douceurs ou d’épices, ils viennent de toute la péninsule et des îles qui l’environnent : Sicile, Sardaigne, îles Lipari… À sa clôture, Pitti Taste 2016 a enregistré une progression de 75 % pour les acheteurs internationaux (plus de cinq mille) et de 11 % pour le nombre de visiteurs (quinze mille pour les trois journées). C’est donc un événement qui monte en puissance.
Pitti Taste se ramifie aussi dans toute la ville avec FuoriDiTaste, programme d’événements organisés dans des restaurants, cafés, pâtisseries, boutiques, etc., autour de produits italiens : riz, pâtes, chocolat, baccalà (morue salée), bière, cocktails, fromages… Ainsi que séances photo, expositions et conférences diverses. Belle occasion de parcourir à pied cette ville éblouissante. FuoriDiTaste se déroule pendant le festival, mais aussi quelques jours avant et quelques jours plus tard.
Pour les autochtones, restaurateurs, commerçants, journalistes ou simples gourmands, Pitti Taste est un excellent moyen de nouer des relations avec des fournisseurs. Pour le visiteur étranger, projeté dans cette splendide fête de saveurs, c’est un grand enseignement à divers titres : d’abord pour constater la formidable vitalité de la gastronomie italienne traditionnelle et de ses produits, leur diversité et leur excellence ; ensuite pour prendre le pouls de la régionalité italienne — c’est le territoire entier, du nord au sud, à travers ses provinces fortement individualisées, qui est impliqué —, assister au culte du produit local et artisanal. Certaines des denrées présentées à Pitti Taste sont fabriquées de manière identique depuis des siècles. Pourtant, elles continuent à s’affiner, à se diversifier : on leur ajoute de nouveaux arômes, on leur trouve des développements inédits, on raffine sur le design, on travaille encore et toujours leur excellence.
L’Italie possède une qualité qu’elle partage, je pense, avec l’Asie : elle est moins obsédée que nous (et que les cultures anglophones) par la dialectique tradition-modernité. Dans le meilleur des cas elle s’en fiche, dans le pire des cas elle s’y sent mal à l’aise. Mais elle ne cède pas à l’illusion du progrès diachronique : ce n’est pas parce qu’une chose est ancienne qu’elle est à rejeter. Elle est bien placée pour savoir que si l’on fabrique la colatura (saumure d’anchois), le prosciutto ou la mortadelle d’une certaine façon depuis si longtemps, c’est qu’on a de bonnes raisons pour ça. Elle ne cherche pas midi à quatorze heures : seul le goût compte. Elle ne se perd pas dans des discours moralisateurs où l’on confond la notion de modernité — forcément évanescente — avec un cahier des charges. Elle prend le temps comme il est : quelque chose qui transforme, qui fait évoluer, mais aussi qui consacre, qui affine.
Peut-être est-ce précisément pour cela que le vrai bonheur gastronomique en Italie se trouve surtout dans des cadres modestes, simples et familiaux, et que la cuisine dite moderniste n’y a jamais vraiment pris pied. Mais c’est un débat dans lequel je ne me perdrai pas aujourd’hui.
Comment se repérer parmi ces 360 producteurs ? Le mieux est de ne pas choisir et de goûter au fil de la promenade : chaque échantillon dégusté était délicieux. Salumi, vin de Marsala, fruits confits, conserves de tomate, amaretti, huile d’olive, pecorino, bière, parmesan… Tout était de très haut niveau. Vous trouverez ci-après quelques produits que j’ai particulièrement appréciés. Beaucoup ne sont pas distribués en France, mais peut-être pourrrez-vous en commander quelques-uns sur Internet…
En Italie, on a toujours cultivé et maîtrisé l’amertume. Pas étonnant que la bière et les brasseries artisanales aient le vent en poupe. La brasserie San Gabriel, en Vénétie, fabrique une bière rousse à la trévise, bien marquée par la douce amertume du légume pourpre. L’intéressante brasserie frioulane Gjulia propose des « vins d’orge », une bière bio, une bière sans gluten et des cuvées aux moûts de raisin : Ribò à la ribolla gialla, et Grecale au picolit, cépage typique du Frioul. Saveur fine, distinguée un peu plus douce pour la Grecale : la fusion d’une grande région viticole avec un art de la bière très original.
Les salumi (charcuteries et salaisons) occupent une place importante. Prosciutto de Parme ou de San Daniele, mortadelles d’Émilie-Romagne, et les magnifiques salaisons lombardes de la maison Venegoni : saucissons précuits (cotechino, zampone) et un très bon salami dit ungherese car sa recette s’inspire de celle du salami hongrois.
Conserves de tomate de Paolo Petrilli, domaine Motta della Regina (Foggia, Pouilles). La tomate est traitée avec d’infinis égards. Ces conserves reproduisent au maximum le goût du frais : boire le coulis juste sorti du bocal n’a rien d’incongru. Ça se savoure presque comme une tomate fraîche.
Colimena, conserverie de thon, de bonite et d’autres poissons située à Avetrana, dans la province de Tarente (Pouilles). Je déguste ici une bonite fumée. Ci-dessous, poutargue de mulet de Sicile.
Fromages de la marque Romagna Terre. Les pecorini d’Émilie-Romagne ont une saveur plus douce, plus crémeuse que ceux de Sardaigne ou du Latium. L’aromatisation aux produits naturels leur va bien. Le pecorino à la poire est un délice.
Un oiseau rare : le castelmagno, préservé et vendu par la coopérative laitière La Poiana, à Cuneo, est un vieux fromage dans tous les sens du terme : pâte persillée longuement affinée, cironnée, parcheminée, une texture très sèche. Ce fromage ne ressemble à aucun autre. Il relève autant de l’archéologie que de la caséologie.
Ce qui nous amène au roi des fromages, le parmesan : la maison Malandrone nous sort le 144 mois d’affinage, qui dit mieux ? Il roule des mécaniques avec sa couleur caramel et ses nodules de caséine bien apparents. Je vous rassure, le 48 mois est déjà très bon.
Il est temps de passer aux douceurs. Les confiseurs ont tendance à se concentrer dans la région ligure. J’ai bien aimé les amaretti morbidi (tendres) de la maison Giacobbe, à Savone. À Gênes, depuis 1780, la maison Pietro Romanengo prépare des confitures de pétales de rose divines, des marrons glacés, des fruits confits de toute sorte et ces délicates gouttes de sucre remplies de liqueur appelées gocce de rosoli. Enfin, la maison Besio, également à Savone, exploite le chinotto local, une petite agrume ronde et verte intensément parfumée, sous forme de liqueur, de marmelade, de fruits au sirop et de fruit entier confit (photo ci-dessus).
Avec un verre d’un des merveilleux marsala de la maison Martinez, tout cela devrait passer sans problème.
Pitti Taste, c’est aussi des conférences-débats, un espace de vente et de restauration (avec de très belles pizze), et une petite vente aux enchères d’ouvrages de cuisine italiens. En voici deux que j’aurais bien rapporté à la maison.
À suivre…
Remerciements chaleureux à Giuseppina Di Bella, de l’ICE (Agence italienne pour le commerce extérieur) ; aux organisateurs de Pitti Taste, notamment à Lisa Chiari pour son aide et ses précieux conseils.
À la petite cuillère
Textes et photos : Sophie Brissaud
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