La façade à l’ancienne, un peu art-déco, un peu grattée, trompe espièglement sur l’intérieur, où cette impression vieillotte s’efface pour révéler une installation sophistiquée. On peut s’asseoir au bar pour manger, il y a aussi deux tables.
L’essentiel de l’espace assis est à l’étage, salle et salon intime avec table d’hôtes. « Sarah s’est occupée du décor. L’ambiance est celle d’un appartement parisien. »
Si, au temps d’Itinéraires, la collaboration entre Sylvain et le maraîcher Asafumi Yamashita était déjà évidente, désormais elle est structurelle. Trois fois par semaine, M. Yamashita vient livrer ses légumes et ses herbes. Il figure en page de présentation sur le site du restaurant. Il fait pleinement partie du projet.
Justement, ce mardi-là était un jour légumes. Un Yamashita pétant la forme, avec un de ses superbes t-shirts (Stéphane Méjanès, si tu me lis, je te le dis solennellement : tu as de la concurrence), sa vivacité joyeuse contrastant avec l’état de fatigue de Sylvain. Car il est fatigué. Il le dit. Il a des valises sous les yeux. Depuis l’ouverture du restaurant, il dort quatre heures par nuit. Il manque de personnel. Ce sont des choses qui arrivent dans un nouveau lieu. Tiens le coup, ça va passer.
Tout au long du repas, nous serons captivés et charmés par l’éloquence des accords vins réalisés par le sommelier. Nous commençons par un excellent champagne, très peu dosé, d’un producteur qui m’était encore inconnu : 45 % pinot meunier, 45 % chardonnay, le reste en pinot noir.
Arrive une petite brioche à partager qui est, nous dit Sylvain, un pain écossais. Dégusté avec une très bonne huile d’olive.
Nous avons choisi le déjeuner parfum végétal, en quatre services, ode aux produits d’Asafumi Yamashita, et où les touches carnées sont d’une grande discrétion. On pourrait parler de menu végétarien, sans les deux lamelles de lardo maison que j’ai trouvées sur le risotto. Comme toujours chez Sylvain, les amuse-bouche sont des plats en miniature, aussi minutieusement élaborés que du grand format. Tzatziki et concombre sur sablé au parmesan.
Tartelette de riz noir, caviar d’aubergine, labne fumé, daikon et fleur d’oignon de Roscoff. On commence à percevoir les souvenirs de voyage, mais pour avoir pris des notes dans le vaste monde, Sylvain conserve son style particulier. Sa cuisine, c’est la même chose qu’avant, en mieux.
Je connais ce chou-fleur froid en purée crémeuse, coiffé de quelques copeaux arachnéens de chou-fleur mandoliné. Ce classique du chef a gagné en précision, en netteté, en fraîcheur.
Une salade qui reflète l’abondance et la variété du potager de M. Yamashita, je ne vais pas énumérer tous ces légumes si tendres, j’en oublierais certainement. Mention spéciale pour les petits concombres, le vieux parmesan, les amandes grillées (praliné, dit le menu).
Soit dit en passant, les petits malins qui ricanent dès qu’on inclut le nom d’un producteur dans l’intitulé d’un plat (je vous vois) n’ont qu’à goûter cette salade pour comprendre pourquoi, dans ce cas précis, il faut le faire. Les autres n’ont besoin d’aucune explication.
Betteraves, basilic et sauce curry d’inspiration thaïe.
C’est tellement beau qu’on s’y attarde en images.
Charmante interprétation du risi e bisi, ce risotto aux petits pois est garni de basilic, de lardo maison et de fleurs d’oignon de Roscoff.
Un petit jus de volaille tranché complète le plat.
Ce domaine-d’aupilhac (montpeyroux) 2004 porte gracieusement son âge en développant des notes sèches, plus proches de la garrigue et du romarin que du fruit rouge.
Chacun de ces fromages est accompagné d’un condiment maison : grenade-basilic pour la bûchette de banon, fruits secs et caramel pour le saint-nectaire ; miel, noix et vin jaune pour le comté.
Dans ce dessert, le Liban et la fleur d’oranger pointent le bout de leur nez : crémeux de lait comme un ashta, fraises gariguettes et tonka, pétales de rose et glace pistache.
L’accord vin, surprenant : un pèt’ nat’ sec et fruité, légèrement oxydatif, qui fait le job avec grâce.
Fleur de Pavé – 5 rue Paul Lelong, 75002 Paris. Tél. : 01 40 26 38 87. Menu déjeuner parfum végétal 45 €, menu dégustation 95 €, carte environ 70 €.
À la petite cuillère
Textes et photos : Sophie Brissaud