De la cuisine du plus grand chef étoilé des Etats-Unis à l’arrière cuisine d’un boui-boui dans Chinatown, d’un bar chic d’un Palace à un tripot au bout du monde, Anthony Bourdain vibre pour la cuisine et les cuisiniers et tout ce qui touche à la restauration, qu’elle soit populaire ou luxueuse.
C’est aussi lui qui devrait ouvrir à New York en front de mer le plus ambitieux des – Food Hall – du pays, un projet qui lui tient à cœur et qui devrait bousculer la ville la plus gastronomique des USA. 60 millions de dollars y seront investis, le site fait partie de tout un programme de rénovation des quais côté PIER 7.
Anthony Bourdain est devenu le maître de la réinvention, c’est un homme public, une personnalité très connue, une star des médias, il a la franchise des hommes de la terre, et il peut se targuer d’avoir goûté à pratiquement toutes les cuisines du monde.
Bourdain a ses entrées partout, les chefs et producteurs rêvent de le recevoir et de partager quelques anecdotes de cuisine. Ce que peu de gens savent c’est que Bourdain a eu plusieurs vies, et notamment celle de chef, c’est d’ailleurs pour ça qu’il comprend facilement leur univers et le dialogue est facile avec ces personnalités de caractère que sont les cuisiniers.
Anthony Bourdain a eu plusieurs vies, c’est avant tout un chef, il fut même l’ancien chef de cuisine d’un restaurant des Halles à NYC, un steak house français qui a été longtemps très apprécié et assez influent sur la scène culinaire new yorkaise.
Personnalité respectée chez CNN, Bourdain a fait un sacré coup l’année dernière, lorsqu’il était à Hanoï au Vietnam. C’est la qu’il a croisé le président Obama, les deux personnalités se sont retrouvées dans un bar traditionnel à noodle, à partager un repas sur le coin d’une table comme deux vieux copains. Les images ont fait le tour du monde.
Bourdain est un travailleur infatigable, il parcourt le monde, il a une capacité incroyable à mobiliser les énergies, entre réunions de productions, les heures qu’il passe au téléphone tous les jours, les vols longs courriers, les soirées dans les bars, les visites dans les contrées reculées… mais lorsque les caméras tournent, le journaliste semble toujours frais et trouve les bons mots, ceux qui vont captiver le public.
Un des atouts majeurs de Bourdain, c’est son honnêteté, sa franchise, il dit quand il aime, et quand il n’aime pas il trouve aussi les mots pour le dire, il ne supporte pas ce qui est faux et malhonnête, c’est pour cela qu’il est écouté et respecté.
Ses shows à la télé sont devenus pour lui un business florissant, des millions de ménages américains le suivent dans ses pérégrinations, un business que Bourdain maîtrise à 100 %, il règle ses commentaires comme un vrai journaliste télé. L’écologie et la préservation de la planète, mais aussi des traditions culturelles liées à l’alimentation sont au cœur des messages qu’il fait passer dans chacune de ses émissions. Que l’on soit d’accord ou non avec lui, tout le monde connaît ses opinions qu’il n’hésite pas à afficher.
Bourdain est un aventurier, il se rend dans des régions qu’il est déconseillé de visiter, comme la Lybie, l’Iran, la Cisjordanie, la bande de Gaza, dernièrement il était sur le fleuve Congo où même l’ONU déconseillait de se rendre. Ses reportages ne sont pas des spectacles, il montre au plus grand nombre des réalités de la vie quotidienne, sans aucun artifice. Bourdain a beaucoup de fans, » je n’ai pas d’obligation envers mes fans, même pas leur donner ce qu’ils attendent, je les remercie juste de me suivre » explique t’il régulièrement.
» La vie est compliquée, elle est remplie de nuance et d’insatisfaction » rajoute t’il, parmi ses tatouages, celui sur son bras est constitué de signes grecs qui expriment : « Je suis sûr de rien. Je ne suis même pas sûr de qui je suis. Si je crois en quelque chose, c’est le doute. La racine de tous les problèmes de la vie c’est la quête permanente d’une réponse simple« .
Né à New York dans une famille modeste mais prospère, Bourdain a déménagé avec ses parents dans le New Jersey quand il était jeune. Sa famille est plutôt classique mais pas conservatrice. Ses parents étaient aventureux, très tôt il fréquente les restaurants de cuisines étrangères avec eux. À la maison, toute la famille regardait les films sous-titrés, cela voulait dire quelque chose explique t’il, « l’autre n’est pas mauvais ou effrayant, il est intéressant «.
Son frère a réussi ses études, un bon collège, de grandes écoles, pour entrer dans l’univers de la finance, des banques et des transactions monétaires, c’était l’intelligent de la famille. Lui, au contraire, dès 13 ans se fait remarquer par son côté adolescent énervé, allant même tomber dans la délinquance, et déclencher des problèmes familiaux. 1970, les années Nixon, la guerre du Vietnam, la sous-culture, le conservatisme, la répression… Bourdain était un révolté contre le système américain.
Puis il a découvert la cuisine et la restauration, c’était ça ou l’armée, lui qui n’a jamais respecté l’autorité explique t’il. Il raconte d’ailleurs cette partie de sa vie dans un best-seller Kitchen Confidential paru en 2000, ce livre a transformé son image auprès du grand public. Lui qui passait pour un chef à l’image sage et rangée, il est en fait un anti-héros, une personne qui pendant longtemps était dans l’auto-destruction.
Dans un autre livre, il raconte comment il est tombé dans l’héroïne, devenant même fortement dépendant, il fréquente les junkies, et doit à plusieurs reprises fuir devant la police dans un New York répressif.
Parallèlement à son métier de cuisinier, Anthony Bourdain s’est rapidement plongé dans l’écriture, il a déjà écrit 13 livres, roman, auto-biographie, livres de cuisine, et participe à de nombreux magazines où il rédige des chroniques. Il a passé des années à trouver sa voix, mais aussi à perfectionner son savoir culinaire, c’est ensuite avec la télévision qu’il entamera une vraie réussite. L’écriture reste pour lui un exutoire, une façon de canaliser son énergie.
Bourdain est un dur à cuire, il y a une intelligence féroce derrière tout ce qu’il fait, un homme brillant, réfléchi, sans concession, il a suivi sa route sans jamais vendre son âme. Il a toujours emprunté les chemins les plus compliqués, mais il est aujourd’hui là où il a toujours voulu être.
En Septembre, Bourdain et sa femme se sont séparées après une décennie de vie commune, il a rencontré son épouse en 2005 lorsqu’elle travaillait à NYC chez le chef Éric Ripert devenu d’ailleurs son meilleur ami. Mais voilà, le temps a passé, Bourdain voyage environ 250 jours par an, et même s’ils ont encore beaucoup d’amour et de respect, leurs routes se sont séparées. Mais l’esprit de famille résiste, surtout pour la petite fille qu’ils ont en commun.
Cette petite famille l’a complètement changé et lorsqu’il n’est pas en voyage, il est un » papa-poule » dans sa maison de Manhattan, il a cessé de s’auto-détruire, il même arrêté de fumer, lui qui avait toujours une cigarette à la bouche. Il veut encore profiter de cette planète pour laquelle il s’émerveille chaque jour un peu plus.
Bourdain est un homme sincère, il a mené de nombreux combats qui lui ont valu des critiques, il a été longtemps en froid avec la prêtresse du bio Alice Waters, mais aussi avec Alan Richman (James Beard Award ) avec qui il a été en conflit au sujet de La Nouvelle-Orléans quand l’ouragan Katrina a dévasté la ville. Même si le temps a recollé les morceaux, des blessures restent.
La plupart des chefs n’osent pas dire quelque chose de négatif à propos de Bourdain, car c’est une des personnalités les plus importantes et influentes dans le secteur de la restauration aux États-Unis, mais côté chefs on lui reproche son côté tribal, mais aussi la préférence à ses amis et d’une certaine façon de snober les autres. L’impartialité c’est l’image qu’il donne à ses détracteurs, mais c’est seulement un image d’après les personnes qui ne l’apprécient guère. » Si l’on est pas assez cool pour attirer son attention, on ne passera pas dans ses émissions, on ne sera pas cité dans ses livres, on ne partagera pas un repas avec lui » inique un chef.
La vérité est que Bourdain a toujours privilégié la camaraderie, c’est d’ailleurs ce qui l’a attiré dans le travail de la restauration au début de son parcours, et c’est toujours comme ça qu’il fonctionne. À 60 ans, Bourdain est resté lui-même, c’est l’indépendance qui le caractérise, finalement il se fout des critiques.
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qu'el domage que ce grand chef soit mort de cette maniere.