Le chef Mauro Colagreco a accordé une longue interview au quotidien Monaco Matin, il explique les divers projets qu’il mène, notamment ceux qui sont déjà dans les tuyaux pour 2023 et 2024… Le Mirazur à Menton bénéficiera d’un boutique hôtel pour compléter l’expérience du restaurant 3 étoiles. Le chef Mauro détaille aussi les choix qu’il a fait pour créer le restaurant CETO dans l’incroyable hôtel Maybourne Riviera.
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Le chef italo-argentin triplement étoilé au Michelin pour son restaurant le Mirazur à Menton, Mauro Colagreco, a décroché un premier macaron avec Ceto, un restaurant ouvert en octobre 2021, au Maybourne Riviera. Pour Monaco Hebdo, il revient sur cette récompense. Et il évoque ses projets, avec notamment l’ouverture d’un hôtel en 2024, à proximité du Mirazur. Interview.
Lors de la cérémonie du Michelin, le 22 mars 2022, Ceto a obtenu sa première étoile Michelin : quelle a été votre réaction ? – Pour ce millésime 2022, nous sommes contents, et très fiers, d’avoir conservé nos trois étoiles Michelin au Mirazur, à Menton. Nous avons aussi très rapidement gagné une étoile chez Ceto. En effet, ce restaurant a été ouvert en octobre 2021, et à la sortie du guide Michelin, c’est-à-dire en février 2022, nous avons obtenu cette première étoile Michelin.
Quand on a trois étoiles Michelin au Mirazur depuis 2019, l’émotion est toujours là ? C’est toujours autant d’émotion. Il y a aussi de la fierté pour mes équipes, pour le travail qu’ils ont accompli et qu’ils continuent à faire. Ça nous donne de la motivation pour continuer sur ce chemin. Cela montre que notre travail est bien fait, et qu’il faut continuer à produire des efforts.
Qui sont Andrea Moscardino et Julieta Canavate, le duo à qui vous avez confié les cuisines de Ceto ? Andrea Moscardino a travaillé presque cinq ans chez nous, dans la maison mère, au Mirazur. Julieta Canavate a fait deux saisons avec nous. Ils se sont connus ici. Ils sont en couple. Ce sont deux personnes vraiment passionnées. Ils se donnent à fond pour bien faire. Ils ont cet amour pour la cuisine, pour accueillir l’autre, et aussi pour faire plaisir à l’autre. Je suis très content de les avoir choisis, parce qu’ils incarnent ce restaurant Ceto, qui offre une vue incroyable sur la Méditerranée. D’un côté, on voit Monaco, de l’autre les baies mentonnaises et italiennes.
En seulement six mois d’activité vous avez obtenu cette première étoile : qu’est-ce qui a fait la différence ? Le temps que l’on a pu dédier à ce projet a pesé. C’était pendant la pandémie de Covid-19. Nous avons travaillé sur ce projet de restaurant un an avant son ouverture. Les différents confinements nous ont permis de nous concentrer dessus, et d’aborder vraiment tous les détails. Nous avons donc eu le temps pour bien travailler sur chaque détail. On a pu choisir l’architecte pour faire la décoration, mais aussi la vaisselle, l’organisation des équipes, les uniformes… Ceto est un projet qui est notre vrai premier bébé, après le Mirazur.
Le Michelin vous a expliqué les raisons de cette première étoile pour Ceto ? Pas encore. Nous n’avons pas encore passé l’entretien qui se déroule une fois par an. Mais pendant l’entretien qui concerne le Mirazur, le Michelin m’a félicité pour Ceto. Ils m’ont dit avoir été impressionnés par la qualité que nous avons pu proposer dès l’ouverture, tout en conservant la même qualité au Mirazur.
Quel type de cuisine proposez-vous chez Ceto ? – Avec Ceto, le grand challenge c’était de proposer une cuisine gastronomique, à seulement 15 minutes du Mirazur. Nous avons donc beaucoup réfléchi, afin d’imaginer chez Ceto une offre très distincte de celle proposée par notre maison mère, à Menton, tout en gardant le même esprit. Avec Ceto, on propose une cuisine tournée vers la mer.
Pourquoi ce choix ? – Quand on rentre dans ce restaurant, ça devient une évidence. On est sur et autour de la Méditerranée. D’ailleurs, nous avons aussi travaillé ce concept de la mer avec l’architecte d’intérieur. En ce qui concerne la cuisine, il faut savoir que la pêche n’est pas la même selon la profondeur. Chez Ceto, nous travaillons surtout avec des poissons venus des profondeurs. On propose des poissons que l’on n’a pas forcément l’habitude de manger tous les jours.
Lesquels ? – Parmi les poissons des profondeurs, il y a, par exemple, le centrolophe. On travaille aussi la murène, qui est un poisson qui a été consommé dans le passé, surtout par les pêcheurs, dans des soupes de poisson. Aujourd’hui, la murène a un peu été laissée de côté, et nous essayons de la remettre au goût du jour. On fait constamment des essais avec de nouveaux poissons. De plus, nous travaillons dans une logique de pêche durable.
Comment faites-vous ? – Pour cela, nous sollicitons uniquement des pêcheurs de Menton, de Monaco, de Villefranche-sur-Mer, et aussi d’Italie pour les gamberoni [une grosse crevette proche des gambas, que l’on trouve notamment dans les eaux du Golfe de Gênes — NDLR]. Il s’agit de pêcheurs qui travaillent depuis des générations avec de petits bateaux. Ils font une pêche saisonnière, tout en prenant en compte le nombre de poissons restants.
Pour Ceto, vous avez aussi créé une salle de maturation pour vos poissons ? – Pour Ceto, nous avons effectivement mis en place une salle de maturation pour nos poissons. C’est une technique que j’ai apprise au cours de mes différents voyages au Japon. Les Japonais font cela de manière traditionnelle. Nous l’avons adaptée pour obtenir une grande précision dans la maturation. L’objectif est de faire maturer le poisson, comme on le fait avec une viande. On arrive à maturer des ventrèches de thon jusqu’à trois mois.
Qu’est-ce que ça change pour le goût ? – Une fois pêché, la courbe de consommation d’un poisson est très abrupte et très courte. Le pic gustatif, organoleptique, est très élevé, mais il descend très rapidement. La maturation permet de prolonger cette courbe. En la prolongeant, on va arriver encore plus haut, car on développe des caractéristiques organoleptiques beaucoup plus intenses. On gagne aussi en finesse. L’eau s’évapore de la chair du poisson, ce qui permet d’obtenir des chairs qui ont plus de texture.
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Quels sont vos projets ? – En 2023, nous avons pour projet d’ouvrir deux restaurants chez Raffles, à Londres, dans un bâtiment historique, le Old War Office. C’est là que siégeaient les services secrets britanniques pendant la Deuxième Guerre mondiale. C’est aussi là que beaucoup de films ont été tournés, et notamment des James Bond. Nous sommes très heureux de cette ouverture, et ainsi de pouvoir accéder à ce grand marché qu’est le marché londonien.
Et pour le Mirazur, quels sont vos projets pour 2022 et 2023 ? – Depuis 16 ans, le Mirazur est un restaurant qui ne cesse d’évoluer. Aujourd’hui, nous arrivons à une phase presque finale des travaux engagés. Ces travaux ont pratiquement duré quatre ans, avec différentes étapes. Nous avons commencé par le salon, la salle du restaurant, puis nous avons ouvert une cuisine de recherche et de développement, avec une cave et une salle privée. Dans cette salle privée, nous avons installé une table capable de recevoir entre 12 et 15 personnes. En 2022, nous avons créé une cuisine ouverte, avec une table du chef. Architecturalement, on est presque au bout.
Que reste-t-il à faire ? – Nous avons un grand projet hôtelier, qui sera lancé là où se trouve notre potager, à 300 mètres du Mirazur. Les travaux vont commencer en septembre 2022, pour une ouverture fin 2024, si tout va bien. Ce projet hôtelier va encore faire évoluer notre proposition dans le restaurant. Au lieu de recevoir nos clients pendant seulement quelques heures, on les recevra pendant quelques jours. Il faut donc faire évoluer l’expérience, pour que, dans notre hôtel, le client puisse être surpris à chaque instant, et cela pendant plusieurs jours.
Il y aura combien de chambres dans votre hôtel ? – Ce sera un tout petit hôtel de 11 chambres. Au Mirazur, nous avons 15 tables, donc nous aurons un hôtel adapté à la capacité de notre restaurant. Il s’agira d’une boutique-hôtel, un lieu qui sera très personnalisé. L’idée, c’est de continuer dans cette démarche, avec un service sur-mesure, pour proposer quelque chose de nouveau et d’exclusif dans la région.
Quel sera le nom de cet hôtel ? – Nous sommes en train de travailler sur le nom de cet hôtel. Nous avons deux ou trois pistes. Je serai ravi de partager cette information la prochaine fois.