Gaston Acurio – Interrogés par un sondage, une majorité de Péruviens indiquent qu’il ferait un très bon Président pour le Pérou

  Son histoire est un vrai roman, sa vie est dédiée à la cuisine, sa popularité incroyable, son engagement est écologique, son message est collectif et assembleur, sa bonne humeur communicatif, son talent immense…

Mais qui est vraiment le chef péruvien Gaston Acurio ? … il a des restaurants un peu partout dans le monde, 46 restaurants portent son nom, son dernier a ouvert à Paris il y a quelques semaines.

Plébiscité par les Péruviens eux-mêmes, c’est un peu un phénomène mondial, dehors les politiques ( et pour la France on peut y adjoindre les Énarques… ), donnons le pouvoir à la société civile, celle qui crée, celle qui est ancrée dans la vraie vie et qui se lève tous les matins pour aller bosser… 

Le magazine Challenges consacre tout un papier au chef, y retrace son histoire, une façon de mieux comprendre ce que ce chef à dans le ventre !

Extraits …

La cuisine pour échapper à ses soeurs 

 » Au début des années 1970, dans une maison de Lima, située à la limite des deux quartiers, San Isidro et Lince, où se côtoyaient la bourgeoisie et le peuple, un enfant de quelques années avait l’habitude de se réfugier dans la cuisine, pour échapper à ses quatre sœurs aînées et aux galants qui venaient leur rendre visite. La cuisinière l’avait pris en affection et le laissait poser les yeux, et parfois la main, sur les ragoûts qu’elle préparait. Un jour, la maîtresse de maison découvrit que son unique enfant mâle, le petit Gaston, avait appris à faire la cuisine et qu’il courait dépenser son argent de poche au magasin Super Epsa du coin de la rue, y acheter des calamars et autres aliments qui ne figuraient pas au régime alimentaire familial, pour s’entraîner à les cuisiner… » Ainsi commence le magnifique article titré  » El sueño del chef  » (le rêve du chef), que l’écrivain péruvien nobélisé Mario Vargas Llosa consacra à son compatriote Gaston Acurio en 2009 dans le quotidien argentin La Nacion.

Comme Vargas Llosa, Acurio fait aujourd’hui la fierté des Péruviens qui s’étaient persuadés, depuis Francisco Pizarro et la chute des Incas, que leur culture n’avait pas grand-chose à apporter au concert des nations. Faux, archifaux. …/… Au fil des générations, ce pays généreux et accueillant s’est approprié les modes de préparation et de cuisson de tous les horizons.

Faculté à Madrid, et carrière politique pour suivre le chemin de son père

Reprenons le récit là ou Vargas Llosa l’a laissé. Le gamin de Lima passionné par la cuisine est aussi le fils d’un sénateur et ministre qui l’envoie faire son droit à Madrid, à la prestigieuse université Complutense. Il imagine que c’est la meilleure façon de préparer son fils à une belle carrière politique à son retour : député, ministre, qui sait ? Président peut-être ? Evidemment, rien ne va se passer comme prévu. Quoique… Récemment, une majorité de Péruviens interrogés pour un sondage d’opinion ont déclaré qu’à leurs yeux, le médiatique chef cuisinier Gaston Acurio ferait un excellent président de la République. A 48 ans, il dirige un petit empire de la gastronomie avec 46 restaurants dans 19 villes dans le monde.

L’école Cordon Bleu à Paris pendant 2 ans

La passion de Gaston pour la cuisine change le cours de sa vie à Madrid. « Au lieu d’aller en cours, je travaillais dans un restaurant. J’ai été obligé de le dire à mon père », raconte-t-il. Que son seul fils refuse de devenir avocat, cela aurait pu passer, mais qu’il prétende faire le métier peu viril et peu prestigieux de cuisinier… « Gaston Acurio père, qui est l’un de mes amis, m’a avoué que la surprise fut monumentale et je sais qu’elle l’a laissé sans voix, sa mâchoire s’étant détachée sous le choc d’une telle annonce », raconte Mario Vargas Llosa. Le père se laisse quand même convaincre d’envoyer Gaston suivre les cours de l’école Cordon Bleu à Paris, pendant deux ans. « J’y ai été très heureux, je suis devenu l’assistant de tous les enseignants, j’arrivais à 7 heures et je ne repartais qu’à 21 heures », se souvient-il.

Soucieux d’officier en grandeur nature, il se fait recruter dans un restaurant du quartier et fait ses gammes à tous les pianos qui se présentent à lui. « Il était passionné, enthousiaste et perfectionniste, ma femme lui a appris à faire la mousse au chocolat », se souvient Jacky Larsonneur, le patron du restaurant Je Thé… Me dans le XVe arrondissement. Un bistro au nom adapté, car Gaston y rencontre Astrid, élève pâtissière qui deviendra sa femme et son associée.

 J’étais conditionné pour mépriser notre gastronomie

De retour à Lima, le couple crée un restaurant très chic à Miraflores, Astrid & Gaston. Foie gras, navarin d’agneau, poulet basquaise figurent au menu le jour de l’ouverture, mais une mue s’opère. « Peu à peu j’avais tendance à mettre un peu de piment, à adapter. Ma cuisine changeait imperceptiblement. Au début j’utilisais chaque jour 100 litres de crème fraîche et 50 kilos de beurre, je suis passé à 20, puis 10 kilos. » La prise de conscience ressemble à une véritable conversion, avec son chemin de Damas. « Je me posais beaucoup de questions et je me suis rendu compte que, comme tous les Péruviens, j’étais conditionné pour mépriser notre gastronomie et lui préférer les produits industriels venus d’ailleurs. »

Il mène un combat essentiel pour préserver la biodiversité

Gaston entreprend alors un grand voyage dans tout le pays, dans son pick-up Toyota. « Je suis allé voir chaque peuple, leur alimentation, leurs méthodes d’agriculture. Savez- vous qu’il y a 42 langues sur un territoire péruvien qui compte 82 climats différents alors que l’on en compte 110 au total dans le monde ? » Quand il revient à Lima, il n’est plus le même. Son projet est politique. Il milite pour que le pays reste fermé aux OGM. Un combat essentiel pour préserver la biodiversité. …/… Avec un tel discours qui promeut la diversité et tend à redonner leur fierté à ses compatriotes, Acurio est invité partout. Il publie un livre, manifeste de la cuisine néoandine. Il devient une vedette de télévision et redécouvre ses racines familiales inca, basque et espagnole.

Le pommier fleurit par le haut et la haute gastronomie de luxe doit montrer l’exemple. Le Astrid y Gaston devient un restaurant péruvien, mais conserve le savoir-faire appris à Paris : « La fierté, l’excellence, le goût des détails et un service d’exception. » Ducasse, Bras, Roellinger, Robuchon l’encensent, l’invitent et trouvent dans son engagement une voie prometteuse pour eux-mêmes.

© B. Delessard pour Challenges
Source Challenge.fr
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