Petits amuse-bouche croquants au yaourt et à la grenade, fins, légers, acidulés.
Alors pourquoi pas de petite cuillère à Spoon jusqu’alors ? Parce que les expériences précédentes n’étaient pas convaincantes. Les concepts, en restauration, sont des outils d’un maniement délicat. Ils prennent trop souvent la place de la cuisine. Surtout quand il est question d’embrasser les cuisines du monde, or qui trop embrasse mal étreint, et de la coupe aux lèvres, etc. Mais il n’est plus temps de rappeler cela, car il y a du nouveau.
Spoon Paris s’est doté d’un nouveau chef, qui n’est autre que Hisanobu Shigeta, Nobu pour les intimes, ex-second du Jules Verne à la Tour Eiffel, époque Ducasse. Ici, on le connaît bien : souvenez-vous de ce superbe dîner autour des thés verts Jugetsudo à Table Ronde. L’arrivée de ce chef doux, talentueux, sensible et profond est ce qui pouvait arriver de mieux à Spoon. Pour un peu, je dirais : c’est bon, vous pouvez y retourner. Ah mais ça y est, je l’ai dit.
Coquelet « cramé » Kassala, épices kabsa, d’après une préparation originale soudanaise où le poulet mariné, ouvert en deux, est grillé sur des pierres chaudes. Impeccable, garni de petits citrons confits.
Le concept initial « cuisines du monde » a été sagement remis au placard pour faire place à une inspiration Inde-Proche-Orient, bonne initiative, il est toujours moins casse-gueule de limiter les références. Et Nobu applique à ce répertoire une justesse de ton, un sens de l’observation et une force de travail qui rendent tout son intérêt à l’adresse. Il n’a pas été élevé à l’ombre du tandoori mais réussit merveilleusement bien les grillades marinées. Il n’est pas né dans le zaatar mais il a tout compris aux aromates levantins. Maintenant, vous pouvez aller au Spoon pour vous lécher les doigts. Sérieusement.
La salade frikeh Beyrouth (herbes, blé vert, tarator) et les pois chiches Doha (version Spoon du houmous, non photographié) confirment en légèreté et en fraîcheur.
On suit avec des dolmas Istanbul qui, bien qu’impeccablement roulés, ne sont pas le point fort du menu. Un peu plus de mordant, de piquant serait apprécié.
Je n’ai jamais su résister à un butter chicken bien balancé. Celui-ci, à base d’ailes de poulet, est savoureux, croustillant, fondant et digne du classique. Chapeau !
Sériole Pondichéry, un curry de sériole aux feuilles de kari : sauce délicieuse pour un poisson très sous-employé. Les feulles de kari (malheureusement séchées) donnent un petit arôme fumé.
Les desserts sont moins enthousiasmants (c’est peut-être la partie de la carte qui n’a pas encore beaucoup changé), mais la pastilla au lait (au fond) est très honnête.
Spoon – 25, place de la Bourse, 75002 Paris. Tél. : 01 83 92 20 30. Métro Bourse. Déjeuner du lundi au vendredi de midi à 14 heures, dîner tous les soirs de 19 heures à 22 heures. Brunch le samedi de midi à 14 heures et le dimanche de midi à 15 heures. Menu dégustation Spoontaste 45€, formule déjeuner entrée-plat ou plat-dessert du jour 24€. Entrée-plat-dessert 29€. À la carte, et selon ce qu’on picore, 30-40€. Carte des vins internationale : Australie, Argentine, Angleterre, Macédoine, Hongrie, Inde…
À la petite cuillère
Textes et photos : Sophie Brissaud