Iratze : courbe ascendante

Dimanche soir, dîner à Iratze avec une tablée de cinq amis. C’était leur première fois, pas la mienne, mais je crois que je n’avais jamais autant apprécié. Mathieu Moity, œuvrant dans une cuisine en sous-effectif, était sous pression. Nous avons opté pour le menu à 55 euros, qui, pour 10 euros de plus que l’autre menu, vous donne droit à trois entrées (donc pas de choix puisqu’il y a trois entrées à la carte), un plat et un dessert. C’était meilleur que jamais. La cuisine de Mathieu était si éblouissante que je ne résiste pas au désir d’en faire ici un compte rendu rapide. Juste histoire de vous décrire une courbe ascendante : celle du savoir-faire, de la maîtrise d’un chef. Et de vous recommander, une fois de plus, la découverte de cette cuisine rare et sensible, toujours en équilibre sur le fil du rasoir, une forme de danse. Une cuisine polyphonique qui se met constamment en danger pour produire une joie, un éveil des sens.

La première des trois entrées est une sardine fumée servie avec tomate, concombre et chutney de prunelle. Mathieu fait souvent usage d’herbes et de fruits sauvages, et ses fruits de verger préférés sont ceux qui portent un peu de sauvage en eux : prunelles, petites pommes anciennes du pays Basque, myrtilles, cerises aigres…

Deuxième entrée : cromesqui de pied de cochon, morue, oignon blanc, maïs, prune et shiso. Ma voisine s’étonne : « Comment peut-on servir du pied porc avec du poisson ? » J’avoue que je ne sais pas quoi répondre. On le fait, c’est tout. Ce n’est d’ailleurs pas la moins surprenante des associations que pratique Mathieu. En tout cas, cette entrée est parfaite : la morue est fondante, le pied de cochon rissolé au stade ultime de la croustillance.

Troisième entrée : tataki de filet de bœuf, poireau, groseille et poivre vert. Le jus de groseille prolonge la fraîcheur, la sanguinité du filet de bœuf cru, et une abondance de verdure vient accentuer cette fraîcheur. Évoque l’animal, le végétal et le temps qu’il fait dans les prairies basques (c’est-à-dire frais).

Lieu jaune, haricots maïs, girolles et fleur d’oranger. Très gourmand, très savoureux, très bel accord de textures.

Nous avons d’abord bu une bouteille de maccabeu nature du Roussillon. J’ai aimé, mais j’ai adoré la bouteille suivante : délicieux beaujolais nature (non étiqueté comme tel, car vin de France) de Philippe Jambon : gamay doux, sanguin et fruité, fortement levuré en bouche, une friandise. Produit sur des sols très riches en manganèse. Servi carafé.

Il y avait une grouse et une seule en cuisine. Nous l’avons réservée pour le seul convive qui n’en avait pas mangé la veille (nous étions à Quinsou et il y en avait). Elle était parfaite, accompagnée d’une rôtie d’abats croquante et beurrée.

Mathieu fait toujours des choses étonnantes avec du fromage. Ici, mon dessert était une crème de bleu d’Auvergne accompagnée de pruneaux, d’un jus de quetsches et d’un crumble au chocolat débordant d’amandes grillées. C’était sublime. Merci Mathieu.

Iratze – 73, rue Amelot, Paris XIe. Tél. 01 55 28 53 31. Métro Saint-Sébastien-Froissart, Chemin-Vert, Richard-Lenoir. Ouvert seulement le soir, du jeudi au lundi. Comptoir ouvert dès 18 heures pour les tapas du jour ; tables réservées à partir de 19 h 15. Tapas de 6 à 17€. Menu 32€ au déjeuner, le soir carte-menu entrée-plat-dessert 45€ et 55€, menu dégustation à table d’hôtes (10 couverts) à 20 h 30, 68€ par personne.

 

 

 

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