Dominique est une star au Japon. De nombreux liens, y compris son épouse japonaise, l’unissent à l’archipel. Trois restaurants dont deux doublement étoilés à Ginza (Tokyo), un grill à Kanazawa, une collaboration avec une maison de saké entre 2006 et 2014.
Et, rue Treilhard, un chef japonais, Masayoshi Haraguchi, dont la sensibilité vibre avec la sienne. Voilà le décor planté, reste à parler de la cuisine.
Amuse-bouche épatants qui donnent une folle envie de découvrir le reste.
C’est une grande cuisine facile à manger. Un style classique vivant qui, loin d’ennuyer, incite à entrer dans le plat. Aucun formalisme, de la rigueur sans la moindre raideur, beaucoup de douceur. Un sens de l’équilibre et de la finesse que l’on évoque souvent en présence de cuisine française exécutée par des chefs japonais, mais que l’on peut aussi voir chez un chef français qui s’est imprégné du Japon, l’a rencontré dans sa chair. Parce qu’ici, les deux phénomènes sont présents.
Tout au long du repas, Michel, manager-sommelier, nous proposera des accords, principalement de blancs, tout en justesse.
Par exemple ce très beau graves.
Un velouté de carottes à l’umami puissant, mais léger comme un nuage, ouvre le dîner.
Il est suivi d’une truite marinée au sanshô, purée d’avocat, coulis de mangue.
De toute évidence, le Japon attendait Dominique Bouchet et son cursus déjà impressionnant pour apposer la touche finale : un brin de zen, une étincelle, une source de vie et d’âme qui, aujourd’hui, distingue cette cuisine des flonflons gastronomiques et lui donne une place à part.
Cœur d’artichaut fondant au miso, joli jeu sur l’amertume et la sapidité.
Quand on va rue Treilhard, on ne fait pas qu’aller au restaurant. On se dit que la vie y continue, discrète, imperturbable, pendant qu’ailleurs ça sonne le clairon et ça fait courir les chiens. Il y a une dimension no nonsense, no poudre aux yeux, qui nous ramène au gastro festif, émerveillé des maîtres français de naguère. À leur aura, à leur rayonnement qui n’aurait jamais dû s’éteindre, et non pas à des temps révolus. Il se passe ici quelque chose qui nous fait tenir la fourchette ou la cuillère en suspens pendant de longues secondes avant d’entrer sensuellement, avec curiosité et délice, dans l’assiette.
Macaronis de homard, fondant d’aubergine, bisque de carapaces.
La bisque est puissante et concentrée, le plat est magnifique.
Il y a beaucoup de chefs étoilés, mais parmi eux combien de grands chefs proprement dits ? Je veux dire des chefs qui savent transmettre la splendeur du classicisme avec une légèreté de matière et d’esprit ? De chefs dont la cuisine a l’air de sourire tout le temps ? Je n’en fais pas ici la liste, mais Dominique Bouchet en fait partie.
Sole et mousseline de saint-jacques, croûte de noix, émulsion au jus de coquillages.
Filet d’agneau rôti, semoule de blé, aubergine farcie à la ratatouille.
Dominique Bouchet – 11, rue Treilhard, Paris VIIIe. Tél. : 01 45 61 09 46. Fermé le week-end. Menu affaires 58€ (entrée, plat, dessert) ; menu découverte (7 services) 128€. Carte environ 110€.
Le dessert : omelette norvégienne revisitée ; le cœur est une sublime glace vanille et le look est joliment art-déco.
À la petite cuillère
Textes et photos : Sophie Brissaud
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Je suis tellement d'accord avec cet article! Dominique BOUCHET a un talent immense et je prends un grand plaisir d'aller déjeuner ou dîner chez lui, au DB chaque fois que je "monte "à Paris. Bravo à lui, à son Chef et à toute son équipe. On est si bien reçu rue Treillhard!!!!
C'est que vous avez les moyens ! Les photos décrivent des plats minimalistes à des prix défiant toute concurrence. Bof bof