Lundi 20 avril à Vienne, dans le cadre d’une rencontre organisée par Anne Garabédian pour Le Cœur des Chefs, Patrick Henriroux et Philippe Girardon ont pris la parole sur la scène du cinéma de Vienne et partagé leur vision de la transmission. Une parole rare, empreinte de lucidité, de générosité et d’une conscience aiguë des enjeux !

Pour Patrick Henriroux, la transmission n’est pas un détail à régler à la dernière minute : « Sortir trop tard, c’est risquer d’être le fossoyeur de sa maison. » Cette leçon, reçue de grands anciens comme Paul Bocuse ou Pierre Troisgros, l’a marqué durablement ! « Transmettre doit être une décision mûrie, anticipée, structurée! »

Il insiste : c’est aux enfants de faire la démarche, pas aux parents de l’imposer. Donner le bâton, oui, mais seulement si la volonté est sincère.

Patrick Henriroux a confié les clés de l’avenir de la Pyramide à ses enfants, en instaurant une période de cinq ans pour mûrir le projet. Passé ce délai, si aucun engagement clair n’était pris, la valorisation classique aurait été enclenchée !

Il a aussi associé des collaborateurs historiques à la reprise, soulignant que la transmission dépasse la famille : elle concerne aussi ceux qui ont fait grandir la maison. Utiliser la loi Dutreil a été un levier stratégique pour favoriser cette passation sans sacrifier l’équilibre financier.

Un rappel pragmatique : « Faites estimer votre entreprise par des experts assermentés. » Sous-estimer expose à des redressements fiscaux lourds. Prudence et précision sont les clés.

Pour Philippe Girardon : « La transmission doit être anticipée et choisie. Jamais imposée. » Il en parle avec une émotion contenue du moment ou ses enfants viennent frapper à la porte, volontaires pour reprendre le flambeau !

Il souligne l’importance d’une vision équilibrée : penser à tous ses enfants, même à ceux qui ne travaillent pas dans l’entreprise, et veiller à la justice de la transmission.

La clé ? Cartographier tout son patrimoine professionnel et personnel, estimer sa valeur par des cabinets reconnus, et organiser la suite avec des notaires, comptables et conseils fiscaux compétents. Rien ne doit être laissé au hasard.

Les deux chefs convergent : les enfants ne feront pas exactement comme nous. Ils apporteront de nouvelles compétences, notamment dans la communication, la gestion moderne des équipes, la diversité culturelle !

Le rapport au travail a évolué. Les jeunes chefs construisent avec davantage de dialogue, d’écoute, d’adaptation. Une transformation que Patrick Henriroux observe avec lucidité : « Avant, un chef commandait. Aujourd’hui, il compose ! »

Mais l’essentiel reste de maintenir le cap de l’exigence, transmettre une culture d’entreprise et garder l’âme du lieu.

Patrick Henriroux et Philippe Girardon ont livré une leçon de transmission sans posture ni nostalgie. Transmettre, ce n’est pas seulement passer un bâton : c’est préparer, accompagner, accepter l’évolution sans perdre l’essentiel. L’anticipation, l’organisation et l’écoute apparaissent alors comme les trois piliers d’une passation réussie. Dans un métier où l’on investit bien plus que du temps, savoir passer la main avec lucidité et générosité devient, en soi, un dernier acte de grandeur !

Propos recueillis et transcription par Guillaume Erblang