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Gregory Marchand – F&S est allé le rencontrer à Londres : « d’ici dix ans, j’adorerais pouvoir créer un fond d’investissement, pour aider mes collaborateurs à financer leur propre affaire »

09 février 2019  0  Chefs & Actualités Eat Nomad
 

signature-food-and-sens À Londres, F&S a interviewé Gregory Marchand de Frenchie – 

C’est à Londres, au restaurant Frenchie, que nous avons rencontré le chef Grégory Marchand, dont le Frenchie Paris vient de recevoir sa première étoile. En 10 ans, le chef a développé pas moins de 5 adresses (4 à Paris, rue du Nil ; et une à Londres), et publié deux livres (le second, « Frenchie », a d’ailleurs été primé par le prix Champagne Collet). Un premier bilan s’imposant, Food&Sens s’est rendu sur place, chez le dernier-né de la famille Frenchie, pour une interview avec l’instigateur de ce projet pluriel. À découvrir ci-dessous.

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Gregory Marchand devant le Frenchie de Londres, à Covent Garden

F&S : Vous venez de recevoir votre première étoile, au Frenchie historique, à Paris. Dix ans après l’ouverture, comment vivez-vous cette reconnaissance ?

Gregory Marchand : Ça fait très plaisir. On est ravis, et les équipes aussi. Cette étoile, ce n’était pas une fin en soi, d’autant qu’on a la chance d’avoir des restaurants qui fonctionnent bien sans ; mais c’est une cerise sur le gâteau. Recevoir l’approbation du Michelin, c’est comme recevoir l’approbation de la profession ; car le Michelin reste la référence de la gastronomie. Le côté officiel de l’étoile, donc, fait très plaisir. Surtout qu’on n’a pas changé notre ADN et notre ligne directrice en vue d’en obtenir une ; avoir la reconnaissance tout en n’étant pas dans les codes c’est vraiment gratifiant. Ça vient valider le fait que la cuisine de Frenchie est cohérente ; que c’est une cuisine d’expert, mais accessible à la fois.

F&S : Pourquoi avoir choisi Londres pour ouvrir votre second Frenchie ?

G.M. : Car j’y ai travaillé par le passé. J’ai travaillé au Mandarin Oriental, au Savoy, et pour le groupe Soho House. Je connais bien la ville. Et puis, j’avais envie de repartir. Pour continuer à voir d’autres horizons, d’autres gens. 

La devanture de Frenchie London

F&S : Revenons sur votre parcours, justement. Vous avez, entre autres, travaillé pour Jamie Oliver, à son restaurant 15. Est-ce qu’une carrière comme la sienne vous fait envie ?

Grégory Marchand : Non, car je n’ai pas la fibre entrepreneuriale et corporate comme lui. Et d’ailleurs, dans notre stratégie développement, j’ai toujours voulu m’assurer de ce que notre ADN ne soit pas dilué. On veut rester un groupe organique, familial, avec un développement maîtrisé.  

F&S : En plus de vos restaurants, vous assurez actuellement deux pop-up.

G.M. : Oui ; l’un d’eux est une résidence culinaire à New-York, dans l’immeuble Intersect by Lexus, qui a été racheté par la marque automobile Lexus. Celle-ci en a fait un live hub, à l’intersection entre art, gastronomie et artisanat. Ma résidence a commencé en octobre dernier, et se terminera fin mars. Mon autre pop-up du moment se trouve en Suisse, à Verbier, au boutique-hotel The Experimental Chalet, du groupe Experimental Group. J’y sers un menu hors de ma zone de confort. Pour le mettre au point, on a fait beaucoup de voyages sur place en amont, et un sourcing intensif. Tout l’enjeu consistait à être dans les codes de la cuisine de montagne, sans pour autant tomber dans les clichés. Il n’y a pas de raclette au menu, donc ! (Rires).   

F&S : Vous êtes un chef atypique, qui ne fait pas partie d’un réseau spécifique, ni n’est né sous l’aile d’un grand chef… En quelque sorte, vous vous êtes fait tout seul ?

G.M. : Oui… Quand je suis arrivé à Paris, j’étais tel un ovni ; je ne connaissais pas la ville, et je ne connaissais personne. En outre, je n’étais pas sous la tutelle d’un Alain Ducasse ou d’un Alain Passard. J’ai mené mon parcours dans mon coin, avec pour objectif la volonté de créer un lieu où j’aurais moi-même envie d’aller en tant que client. Ce lieu, ça a été le fruit de toutes mes expériences passées à l’étranger. J’y ai tout donné, pour que ça marche. Ça s’est fait sur dix ans. En avril, on fêtera d’ailleurs les dix ans de Frenchie. On verra ce qu’on organise pour l’occasion. Quant au Frenchie de Londres, on vient d’en fêter les 3 ans début février.

F&S : Comment décririez-vous votre cuisine ?

G.M. : Tout est dans le nom du restaurant : Frenchie. À cela s’ajoute mes dix ans de vagabondage de par le monde, et mes quatre années passées à l’école hôtelière. Ma cuisine, c’est mon parcours : ancrée en France, mais tournée vers le monde. C’est une cuisine authentique et contemporaine ; une cuisine d’aujourd’hui et une cuisine du monde. Une cuisine de saison, une cuisine de produits, et une cuisine d’instinct. Une cuisine responsable, aussi ; et enfin, une cuisine qui prend des risques.  

F&S : Vous êtes présent à Londres, à Paris, et temporairement à New-York, donc ; avez-vous un plan de carrière, ou bien fonctionnez-vous selon les opportunités ?

G.M. : On essaie de trouver des opportunités à nos collaborateurs, ce qui nous pousse aussi à nous développer. D’ailleurs, d’ici dix ans, j’adorerais pouvoir créer un fond d’investissement, destiné à aider mes collaborateurs à financer leur propre affaire. Ce faisant, cela me permettrait de rester toujours dans le vif de ce qui se fait, être au cœur de projets, sans pour autant avoir à maintenir le même rythme de travail que celui que j’ai actuellement. Je pourrais alors passer à un travail plus cérébral, en fin de compte. Ce qui est déjà le cas, ceci dit ; je suis passé de chef cuisinier, à chef d’entreprise, puis à entrepreneur. Désormais, j’ai un rôle de directeur de création, en quelque sorte ; de chef d’orchestre.

F&S : Justement, comment avez-vous vécu le fait de passer de chef cuisinier à entrepreneur ? (Ou plutôt, de cumuler les deux casquettes ?)

G.M. : La transition a été très dure ; ne plus pouvoir être uniquement aux fourneaux, mais devoir créer des équipes qui puissent fonctionner sans moi, ça n’a pas été simple. Ceci dit, je reste extrêmement présent en cuisine. J’y suis dès que je le peux. Mais c’est vrai qu’en parallèle, mon monde s’est élargi ; d’autant que je m’intéresse aussi à la dimension sociale de mon groupe. Par exemple, je me demande souvent : comment créer une entreprise dans laquelle les gens se sentent bien ? Bref, être chef d’entreprise, c’est un travail à multiples facettes. Il y a la partie chiffres, aussi, qu’il faut gérer. Je découvre et j’apprends tous les jours… Ceci dit, on ne peut pas être expert en tout ; mais il est clair que cette diversification est très enrichissante.

La salle du Frenchie Londres

F&S : Le monde de la cuisine traverse une crise du recrutement ; qu’en pensez-vous ?  

G.M. : Aujourd’hui, la jeune génération veut un rapport vie privée/travail qui soit plus équilibré ; et c’est légitime. À Frenchie Londres, on a pris des mesures dans ce sens. On a augmenté le salaire minimum de nos employés, suite à l’augmentation du salaire minimum en Angleterre. Et on est passé de 8 services par semaine à 7 par semaine. Depuis ces changements, on voit les bénéfices sur l’équipe. Et puis, c’est très important de faire sentir aux gens qu’ils comptent. 

F&S : Quel est votre sentiment vis-à-vis de tous les guides et classements culinaires qui ont fleuri ces dernières années ?

G.M. : Je trouve ça plutôt bien. Ça met en avant les chefs qui se donnent du mal. À mon sens, il ne faut pas voir ces initiatives comme des classements, mais plutôt comme des listes de restaurants bien dans leur temps, qui sont intéressants à découvrir. Quant à nous au Frenchie, on n’est pas forcément dans les listes, mais nos restaurants sont pleins…

Propos recueillis par Anastasia Chelini
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