Mon année 2017 à la petite cuillère
Bonne année, lecteurs de Food&Sens. Rien qu’à l’idée de vous énumérer les super-tendances food de 2018, je dors déjà à poings fermés. D’autres s’en chargent avec plus de conviction que moi. Et je suis en vacances au pays Basque, où je cuisine les superbes poissons de la pêche locale au lieu d’aller au restaurant. Ce qui fait que je n’ai pas beaucoup d’actualité à vous relater. Mais je peux, en revanche, vous faire la liste de quelques denrées qui m’ont particulièrement marquée en 2017. Ce ne sera pas un inventaire mois par mois, juste une collection de bons moments culinaires qui n’ont pas, pour la plupart, été chroniqués dans cette rubrique.
JANVIER 2017
L’année avait commencé par un séjour au Bénin, un pays doté d’une cuisine remarquable. Ce jour-là, en compagnie du sculpteur-forgeron Théodore Dakpogan, nous avions commandé ce gbo kpètè (civet de mouton) dans un maquis à Porto-Novo, littéralement à quelques pas de la frontière nigériane. La viande était parfaite et fondante, mais la dose de piment était en mode Nigeria. Même mes compagnons béninois eurent du mal à le manger. Ça n’en était pas moins savoureux et parfumé. Un beau souvenir.
MARS 2017
Non chroniqué sur Food&Sens car s’inscrivant dans mon livre Terroirs paru en octobre 2017, un mémorable canard à la presse Félix-Faure (également appelé canard au sang) au restaurant Le Parc à Duclair, l’un des derniers établissements normands qui confectionnent encore ce plat selon la tradition. Arnaud Genty, le chef, doit être prévenu au moins quarante-huit heures à l’avance pour être sûr d’obtenir un canard de race duclair ou rouen, indispensable pour ce plat en vertu du juteux et de la finesse de sa chair. Le canard est rôti entier, puis les filets sont levés tandis que les cuisses repartent en cuisine pour être panées à la moutarde et grillées « au feu d’enfer ». Elles seront servies, selon les versions, avec les filets saucés ou en deuxième service.
La carcasse est pressée dans ce bel ustensile d’argent et la sauce est confectionnée avec le sang du canard, porto, cognac et épices. Une version optimale de ce plat légendaire, exécutée ce jour-là avec un gros canard rouennais. Enfoncée, la Tour d’Argent (qui n’a rien inventé, il faut que ça se sache).
Restaurant Le Parc, 721, avenue du Président-Coty, 76480 Duclair. Tél. : 02 35 37 50 31.
Un peu plus tard, toujours dans le cadre de mes reportages pour Terroirs, j’ai découvert les fromages que font Karine et Bruno Guérin avec le lait de leurs chèvres des fossés et de leurs vaches bretonnes pie-noires.
Le crottin au miel est une spécialité de Karine Guérin : dans les faisselles, remplies à mi-hauteur de caillé de chèvre, une cuillerée à café de miel toutes-fleurs breton. On recouvre de caillé et on laisse égoutter, puis affiner. Le miel, lentement, diffuse dans la pâte ses arômes floraux. C’est une merveille.
Comme l’est aussi leur tomme de vache bretonne pie-noire, dont je vous laisse admirer le crémeux exceptionnel. Un très grand fromage.
Ferme de Kerourin, 1, Kerourin, 56160 Ploërdut.
MAI 2017
Les randonnées pour Terroirs nous ont menés sur toutes les routes de France. L’une des plus belles a été celle de l’Auvergne et la rencontre de Guy Chautard, éleveur de vaches de race ferrandaise et fédérateur des éleveurs de cette race. Celui-ci m’a confié fournir de la viande de veau ferrandais au propriétaire du restaurant La Ferrandaise, à Paris. N’hésitez pas à y réserver une table pour y goûter ce miracle de douceur, de soyeux, de saveur : l’une des meilleures côtes de veau de votre vie.
Sur cette photo, il ne s’agit pas d’une côte mais d’un foie de veau ferrandais qui est parfois à la carte.
Restaurant La Ferrandaise, 8, rue de Vaugirard, 75006 Paris. Tél. 01 43 26 36 36.
Autre friandise de ce mois de mai : les percebes (pouces-pieds) du restaurant Aux Deux Amis, rue Oberkampf, à Paris.
Et, dégusté chez l’éleveur de volailles de Bresse Dominique Merle (j’étais de nouveau sur les routes de Terroirs), le superbe ploussard (poulsard) « point barre » de Philippe Bornard.
JUIN 2017
Grand kif : les petits dèj’ brésiliens de la région de Bahia. Du manioc sous toutes ses formes (j’ai particulièrement adoré le pudim de tapioca au lait de coco), des bananes frites à la cannelle et des fruits comme s’il en pleuvait. Y a-t-il quelque chose à ajouter ?
Changement de décor et de climat : sur le plateau de Millevaches, nous nous sommes régalés de ce pâté de pommes de terre débordant de crème à la ferme bio de Pigerolles.
JUILLET 2017
En juillet 2017, j’ai découvert Quinsou. Pourquoi n’ai-je pas encore écrit sur Quinsou ? Parce que je ne peux pas parler de tout. Je lui consacrerai plus de place une autre fois, mais pour l’instant voici une mini-chronique.
Quinsou est le restaurant d’Antonin Bonnet, ex-chef du Sergent Recruteur, sur l’île Saint-Louis. Ma première remarque sera en tant que photographe : quand vous voulez photographier une assiette, il faut la tourner jusqu’à ce que vous ayez trouvé le bon angle. Jamais avec Antonin : quelle que soit l’orientation de l’assiette, elle est toujours belle à photographier. Croyez-moi, c’est très rare.
Ce sens artistique se manifeste aussi à travers le goût et la virtuosité culinaire : tout est structuré avec précision, construit par touches, avec un lyrisme contenu. Maigre de Saint-Jean-de-Luz, salicornes, épinard, beurre blanc. Une cuisine émotive et maîtrisée.
Antonin nous avait, ce soir, préparé du chevreau : la côte, le filet, et le foie grillé (qui n’est pas sur la photo).
C’était du chevreau de Laure Fourgeaud, qui confectionne, à Celles (Dordogne), de merveilleux fromages de chèvre que les grands chefs s’arrachent et que le Collège culinaire de France a distingués.
Quinsou, 33, rue de l’Abbé-Grégoire, 75006 Paris. Tél. : 01 42 22 66 09.
AOÛT 2017
Autre découverte, Chez Mattin, restaurant basque bien caché dans les ruelles de Ciboure. J’y ai mangé le meilleur calmar de ma vie.
C’est aussi un restaurant qui fait encore des desserts comme on n’ose plus en rêver, tout en voiles, en ouate, en moelleux, en richesse. Voici donc la pavlova de Mattin.
SEPTEMBRE 2017
OK, j’ai triché : c’était en septembre 2016, à la ferme de la Ruchotte. Mais le souvenir de cette poularde de Barbezieux rôtie par le maître, Fred Ménager en personne, transcende le temps et les années.
« Et surtout », me dit-il en arrosant la volaille toutes les cinq minutes, « fais bien ce que recommande Arthur Le Caisne : n’arrose jamais ! »
Ça, en revanche, c’est bien en septembre 2017 : la tarte Tatin de Kei Kobayashi.
NOVEMBRE 2017
Parmi les plats divins que j’ai mangés à Asador Etxebarri, je citerai seulement celui qui fut pour moi le point culminant : cette vessie natatoire de poisson en pil-pil, sur un poivron grillé, couverte d’une feuille de riz.
DÉCEMBRE
Et parce qu’il a bien fallu terminer cette année 2017, autant le faire avec du feu et des épices : j’ai beaucoup aimé ce tandir de poulet jaune cuisiné par l’excellent chef Manoj Sharma au Café Shirvan d’Akrame Benallal, place de l’Alma à Paris. J’aurai l’occasion d’en reparler.
À la petite cuillère
Textes et photos : Sophie Brissaud